Au delà de la simulation illusion

par | 13 Jan, 2021 | realite virtualisee | 0 commentaires

En seulement un demi-siècle de progrès numérique, nos techniques de virtualisation parviennent déjà à recréer fabuleusement des mondes imaginaires ou la surface des choses observées et calculées. Mais elles ne parviennent pas encore à recréer le fond des choses, les phénomènes physiques qui structurent notre monde, ni l’entièreté des détails de l’infiniment grand et petit, elles ne nous donnent encore qu’une illusion de réalité, un ressenti de fiction, ce qui, par ailleurs les dessert, beaucoup, les cataloguant comme des générateurs de parc d’attractions.

Mais peut-être un jour nos technologies évoluant sans cesse, ces mondes virtuels gagneront un statut particulier : celui de monde plausibles, aptes à être habités.
Aujourd’hui, recréer virtuellement le monde, c’est le couvrir, l’envelopper de data, d’informations objets, de polygones pour en recréer la géométrie, de textures pour en traduire la matière, de raytracing pour les éclairer.
Mais ce n’est qu’un enveloppement. Actuellement un caillou dans une simulation 3D n’est pas une reconstitution des atomes qui génèrent une forme, des couleurs, un poids et une consistance. Non, dans une simulation, un caillou n’est encore qu’une illusion de caillou, un assemblage de polygones qui en recréent l’illusion de la forme physique.
Mais peut être que notre réalité fonctionne de la même manière, peut-être n’est-elle qu’illusion de surface et que lorsque nous cassons un mur ou opérons un corps humain, la simulation génère là aussi des éléments de détails figurant l’intérieur de l’objet ou du corps. Bien peu probable, la réalité n’est pas simulée, n’est pas illusion ou fiction, elle est calcul. Un algorithme permanent, fruit de la première impulsion de l’Univers, elle pourrait être simulation informatique non pas au niveau surfacique mais au niveau atomique voir même élémentaire.
Si nous voulons nous servir de la simulation numérique pour comprendre notre monde puis l’explorer au-delà de nos limites physiques, il faut que cette simulation de réalité ne se contente pas de recréer la surface des choses et leurs propriétés physiques élémentaires, non, il faut qu’elle soit moléculaire puis un jour peut-être atomique et élémentaire si la puissance de calcul nous le permet.

Dans nos laboratoires, les chercheurs se servent déjà depuis longtemps de simulateurs non pas de formes mais de propriétés physiques pour comprendre leurs phénomènes. Les simulations de réalités ou mondes virtuels devront donc effectuer un mariage entre ce qui est développé en laboratoire et ce qui est développé pour le grand public, une forme de simulation ultime capable de recréer l’ensemble des détails, des propriétés physiques pour recréer un ensemble cohérent et vivant. Certaines simulations sont d’ailleurs à cheval entre le monde scientifique et le jeu, le premier donnant les règles de construction et l’autre incitant la communauté à réfléchir pour résoudre des problèmes que même de puissants algorithmes ne parviennent pas à calculer. Déjà, en 2007, le jeu Folding@Home [i] (Playstation 3) de l’université de Stanford en Californie, « proposait aux joueurs de résoudre ensemble, en réseau, des calculs complexes permettant de faire avancer la recherche sur des maladies comme Alzheimer, la chorée de Huntington et certains cancers. » (Vijay Pande, responsable du programme).

Cette alliance de domaines technologiques nous permettrait d’abord de recréer tout ce qui nous entoure puis progressivement tout ce qui est loin de nous, c’est-à-dire dans l’infiniment grand et l’infiniment petit. Cette simulation réaliste, alliant tous les domaines d’expertises nous permettrait de recréer utilement tout ce que nos sciences nous ont appris jusqu’à présent puis, étape après étape, elle nous permettrait de tester ensemble nos théories restant à l’état d’hypothèses. Au fur et mesure, cette simulation ultime gagnerait en détails et en cohérence jusqu’à nous permettre potentiellement de lui donner sens et vie, de l’explorer librement dans son infiniment grand et petit. Cette ultime simulation d’univers, nous permettrait peut-être de réunifier les lois de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, de nous rapprocher de l’algorithme Universel, d’avoir potentiellement le pouvoir de créer d’autres univers parallèles.

Cette simulation de réalité serait-elle éloignée de ce que nous considérons comme la vraie réalité ? Devrons-nous scrupuleusement y positionner les planète telles que nous les observons par nos télescopes, devons-nous à tout prix recopier notre univers avec une précision atomique pour nous permettre d’en comprendre le fonctionnement et pouvoir y vivre de façon cohérente ? L’une des futures super simulations sera peut-être pensée de cette manière pour que l’ensemble des sciences, de la cosmologie à la psychologie, des mathématiques à la biologie, etc. puissent y trouver un terrain commun de travail, une sorte de méga simulation, un ultime laboratoire d’analyse pouvant toutes les servir indistinctement afin de comprendre tous les phénomènes qui les lient entre elles. Tel serait le chemin pour s’approcher de l’algorithme univers, se servir du virtuel pour unifier les sciences, les expertises, les pensées.

Parallèlement à cette simulation réaliste, d’autres types de simulations dédiées au divertissement, etc. continueront d’exister mais il n’est pas dit que cette simulation ultime qui avait pour but premier de servir la communauté scientifique ne serve pas ultérieurement de base à la simulation de l’humanité toute entière. Elle présenterait en effet aux yeux de l’humanité un monde très attirant dans lequel il serait possible de se transformer, de voyager instantanément mais dans un monde totalement réaliste et crédible dans ses moindres détails et interactions. La distinction entre notre réalité et cette simulation serait impossible, nous n’aurions donc aucun mal à faire le choix de nous y implanter. Nous pourrions même ne pas pouvoir les distinguer l’une de l’autre.

Cette ou ces simulations de mondes virtuels ayant la capacité de réunifier toutes les simulations en une seule décupleraient nos pouvoirs par rapport à la réalité actuelle. Ils deviendraient de nouveaux mondes dans lequel, pour comprendre et maîtriser un phénomène, il ne serait plus nécessaire de l’explorer physiquement mais seulement de le récréer numériquement.

Ainsi, disposer d’une simulation maîtresse unifiant toutes les autres sera indispensable pour créer une cohérence de vie dans cette réalité augmentée / décuplée. Mais la notion de temps quant à elle pourrait être bien différente à simuler. Le temps est relatif, perçu différemment par chacun et en fonction des événements. Virtualiser le temps voudrait dire pouvoir le comprimer, l’étendre ou le tordre à loisir. Un peu à la manière de ce que les films, vidéos ou jeux vidéos nous permettent de faire en nous autorisant à avancer le temps, le mettre en pause ou l’accélérer.

Mais, en immersion, la dimension temps sera peut-être celle que notre cerveau aura le plus de mal à franchir. Il est facile de tromper nos cinq sens mais le ressenti du temps est plus complexe, il est inscrit et ancré dans l’ensemble de nos cellules qui vieillissent avec lui. C’est tout notre être qui sent le temps passer. Certes un monde virtuel peut accélérer ou ralentir le temps à sa guise en faisant vivre à votre cerveau les 4 milliards d’années de la création du monde en une dizaines de minutes mais notre cerveau biologique restera désespérément ancré dans son réel, vous aurez passé dix minutes dans cette expérience, le temps se sera écoulé, la sensation de compression du temps ne sera que minime même si bien évidemment ressentie.

« Lorsque je suis dedans, confie-t-elle, je ne vois pas le temps passer. »13

Le temps s’écoule plus vite quand on fait marcher notre imaginaire, on se déconnecte un peu du réel. Mais on est vite rattrapé par le temps, les minutes qui ont été décomptées, l’heure du repas est par exemple plus proche qu’avant. Le temps est ce qui nous rattrape toujours immanquablement à la réalité.

[i]https://www.lefigaro.fr/sciences/2007/05/31/01008-20070531ARTFIG90019-la_playstation_au_service_de_la_medecine.php

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