L’industrie de la virtualisation

par | 30 Déc, 2020 | realite virtualisee | 0 commentaires

Il nous paraît aujourd’hui inconcevable de vivre totalement virtuellement et pourtant de nombreuses sociétés et technologies s’emploient chaque jour à rendre les interfaces et technologies de virtualisation de plus en plus accessibles au plus grand monde, à tenter d’occuper chaque jour davantage de notre temps disponible réel, elles prennent la forme de jeux vidéo, de films, d’expériences de réalité virtuelle, augmentée ou mixte. Des technologies et des puissances de calculs considérées il y a peu comme impossibles voire irréalistes font désormais partie du quotidien.

Côté interfaces de visualisation, les casques de réalité virtuelle filaires deviennent sans fils donc laissent davantage de place aux mouvements pour renforcer l’immersion. Le champ de vision restreint est désormais amélioré pour occuper quasiment l’intégralité du FOV humain en largeur et en hauteur. Le « screen door effect » ou effet de grille disparaît progressivement grâce à des écrans sans cesse plus précis. Le trading de l’oeil permet aussi d’optimiser les zones de calcul du champ de vision pour ne calculer pleinement que la partie axée sur l’orientation du regard.

En moins de six ans, les casques de réalité virtuelle sont ainsi passé du stade de prototypes à celui de casque grand public. Néanmoins, le Google cardboard, en voulant démocratiser la réalité virtuelle trop rapidement avec son masque en carton lui a fait perdre du temps de déploiement et lui a donné une mauvaise image, celle d’une expérience de basse qualité, uniquement destinée à de courtes cessions de divertissement.

 Tout autour du globe, de nombreuses startups et géants technologiques travaillant depuis de nombreuses années nous proposent de virtualiser le réel, c’est à dire d’autres formes d’expériences réalistes grâce aux technologies d’immersion et de virtualisation, et même si le développement des technologies d’immersion semble long à notre échelle quotidienne, il ne faut pas s’y tromper, elles gagnent en maturité et deviennent progressivement de plus en plus immersives, de plus en plus trompeuses et parviendront à nous couper totalement de la réalité.

La construction des technologies et mondes virtuels sont devenus un business model à fort potentiel. Ainsi, désormais les réalité virtuelles et augmentées trompent notre vue, le son surround trompe notre ouïe, des gants haptiques trompent notre sens du toucher de récentes technologies olfactives ou gustatives trompent notre odorat et notre goût.  A tel point qu’aujourd’hui certaines expériences virtuelles immersives nous déclenchent désormais une perte totale de repère en même temps qu’une expérience inoubliable car sentie comme véritablement “vécue”, les quelques problématiques de nausées, de lag ou encore de problèmes de définitions n’étant que de minimes erreurs facilement rectifiable en quelques années de développement au sein d’un parcours déjà tracé : celui de l’expansion du virtuel, au détriment ou pour le bienfait du réel… Ce n’est donc désormais qu’une question de temps avant qu’un premier humain passe l’intégralité de sa vie dans un / des monde (s) virtuels / parallèles.

Il semble désormais acquis que réalité, virtualité et imaginaire se marient, c’est en tous cas ce que vendent les concepteurs de casques de réalité virtuelle. Grâce à la VR « Repoussez les limites de votre imagination »[i] comme vous invite Samsung dans ses publicités pour casques virtuels.
Évidemment les premières législations n’autoriseront pas d’immersion totale et déconnectée du réel, déjà du fait du coût pour la société, maintenir un être humain dans un coma artificiel coûte très cher. Intubation, batteries de capteurs. Même si l’être humain rapportait plus d’argent dans le virtuel que dans le réel, le coût de maintien serait trop élevé. Non les premiers habitants du virtuel garderont un pied dans le réel.

Achètera-t-on une combinaison comme dans RPO ou bien se rendra-t-on en Pharmacie acheter des cachets de virtualisation ? (Cf publicité pour la PlayStation 9).
Les technologies d’immersion ne sont peut-être encore qu’artificielles mais progressent à une telle vitesse qu’on en perçoit même des changements profonds désormais à l’échelle de notre propre vie. Imaginez alors dans deux, trois ou quatre générations…
Il y a seulement douze ans le smartphone n’existait pas, il y a cinq ans la société Oculus et son fondateur Palmer Luckey rendaient les casques de réalité virtuelle enfin immersifs et accessibles au grand public. Son logo en forme de planisphère qui s’élargit, sous-entend d’ailleurs qu’il étend notre imaginaire et notre champs des possibles.

Il y a deux ans nous n’imaginions pas pouvoir disposer d’un ordinateur virtualisé dans le cloud accessible depuis n’importe quelle interface comme le propose désormais par exemple la société française Shadow. Il y a un an le cloud gaming n’était pas encore pleinement opérationnel ni déployé à large échelle comme le font les offres de Stadia de Google, PS Now de Sony, Nvidia Shield, etc. Chaque vague technologique connaît un déploiement toujours plus rapide, bénéficiant du croisement de technologies précédemment développées et éprouvées.

L’imaginaire était notre premier outil d’immersion et le restera encore longtemps mais c’est aussi celui qui est le plus challengé, certaines technologies et facteurs liés au développement exponentiel du monde réel cherchent à l’augmenter, d’autres à le guider voire même s’y substituer. La Réalité virtuelle est actuellement ce qui nous rapproche le plus d’une sensation d’immersion totale dans le Virtuel. Le FOV, champs de vision est certes encore restreint mais là encore de premières sociétés telles que StarVR ont déjà dépassé cette problématique avec des casques munis de plusieurs écrans, certes encore très lourds et hors de prix. Quelque soient les interfaces, ce qui garantira leur développement seront les usages, les contenus et le sens qu’on donne à ces derniers.
Le premier moteur économique est incontestablement le jeux vidéo, capable de toucher toutes les catégories socio-économiques à travers le monde. Mais d’autres initiatives vont au-delà du seul intérêt ludique en ouvrant l’horizon Virtuel à d’autres usages.

Les technologies humaines ont eu de nombreux objectifs dont les principaux ont été de percer les secrets de la science pour mieux maîtriser notre environnement, de nous amener toujours plus loin et plus vite pour augmenter notre emprise physique sur le monde et l’espace, d’augmenter nos capacités physiques puis désormais cognitives, de nous interconnecter les uns aux autres y compris d’un bout à l’autre de la terre, et enfin de nous immerger toujours plus profondément dans le Virtuel. Exemple de technologie nous donnant le don d’ubiquité : Blend physical and digital World (MIT, technologie de déplacements d’objets à distance).

Une fois le photoréalisme des univers et des personnages virtuels parfaitement atteint et maîtrisé, la puissance de calcul ne devrait plus alors exclusivement servir à augmenter les niveaux de détails et de réalismes mais serviraient alors à agrandir les mondes et augmenter la capacité d’accueil de ces derniers. Arrivés à ce stade les mondes virtuels pourraient dépasser en surface la taille de notre globe terrestre et surtout pourraient se démultiplier à l’infini, offrant des multiplicités d’instances de vies virtuelles.

La virtualisation, c’est aujourd’hui  l’addition de talents de créateurs humains, qui s’avère donc parfois plus forte, plus impactante que notre imaginaire seul. La virtualisation pensée par une communauté de personnes est la synthèse, la combinaison d’imaginaires très puissants, ceux des créateurs. De plus en plus régulièrement, les studios de développement de films, de jeux, mais aussi les écrivains, les musiciens tâchent de créer des communautés interplanétaires qui adhèrent à l’univers créé pour en décupler l’imaginaire, les versions, les créations et ce sur tous supports. La communauté Star Wars par exemple regroupe ainsi des écrivains, des peintres, des cinéastes, des creative designer de jeux vidéo, des modeleurs 3d, des maquettistes, des Cosplayers, des modelers Lego, etc. Tous indépendants ou non, rassemblés sous des bannières par pays, par technologie, par support voir même par vision de l’œuvre. Tous donnent vie à l’univers star Wars dans le réel mais aussi dans le virtuel, permettant à Star Wars de disposer d’autant de véhicules de son univers qu’il n’existe de technologies et de communautés créatives autour du globe, donc de capacités à parler au plus grand monde, quel que soit votre appétence pour telle ou telle technologie, tel ou tel forme d’art, il existe une version de Star Wars. Nous sommes donc habitués à retrouver notre livre préféré porté au cinéma, nos personnages d’univers cinématographiques traduits en figurine dans nos super marchés, etc., nous sommes donc habitués à ce que le Réel contamine le Virtuel et inversement.

A l’image des courants de peintres, sculpteurs ou musiciens, les communautés de concepteurs et développeurs virtuels, nommés Computer Graphics Designers ou CG, se sont rassemblés, au fil des années, en communautés créatives, partageant ouvertement sur le web leurs techniques et découvertes, accélérant sans cesse leur progression technique, au point désormais de faire du photo-réalisme le standard de l’industrie. Les rendus ne demeurent plus statiques mais se conjuguent maintenant avec le temps-réel et la réalité virtuelle. Etant donné la vitesse de progression des capacités techniques de virtualisation de la réalité, il nous sera très bientôt très difficile voire impossible de dissocier réel et virtuel.
Mais chaque communauté, chaque créateur virtuel continue de cultiver sa différence dans le rendu de ses productions pour amplifier la perception du spectateur, pour enjoliver ses créations, l’un travaille sur des colorimétries particulières, un autre sur des profondeurs de champs exagérées, un autre traite ses images avec une puissance de soleil amplifiée, etc. à chaque fois très légèrement distinctes des vraies calculs de la réalité.
D’autres, enfin, ne considèrent pas le photoréalisme comme un but à atteindre, ils cherchent davantage à se distinguer par des mondes aux formes, couleurs et lumières fantasmagoriques, fantastiques, etc. qui servent davantage leur propos, le sens qu’ils souhaitent donner à leur création. Cette multiplicité des perceptions de notre réalité et de ses techniques et choix de reconstitution digitale engendre progressivement des réalités virtualisées divergentes qui pourraient un jour devenir incompatibles. Incompatibles non seulement entre elles mais aussi avec certains spectateurs virtuels. Ainsi, un humain virtualisé habitué à vivre dans un monde d’un certain type de rendu de la lumière et de saturation colorimétrique du monde virtuel dans lequel il réside pourrait ne pas supporter le voyage vers d’autres mondes virtuels présentant des caractéristiques physiques ou sonores différentes du sien.

Les mondes virtuels ne conviendraient pas à chacun, tout comme des contrées ou villes ne conviennent pas à certaines personnes, il en résulterait une multiplicité de mondes recréant la réalité par des « architectes du virtuel » aux sensibilités différentes. Si nous venions à concevoir des simulations dans nos simulations, les quelques biais de représentation de la réalité initiale pourraient eux-mêmes engendrer des successions de légères différences entre les simulations, engendrant ainsi une cascade de réalités imbriquées sans cesse plus éloignées de la réalité initiale.

[i] Publicité Samsung Gear VR

Share This