L’imaginaire, moteur d’augmentation de la réalité

par | 26 Août, 2020 | realite artificielle | 0 commentaires

Nos télescopes et microscopes ne cessent de repousser les limites de notre réalité observable dans l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Il n’en demeure pas moins que la grande majorité de nos découvertes demeurent impalpables, nous n’avons ni arpenté ni touché du doigt quasiment aucune de nos découvertes cosmologiques ou micro organique. Seule notre intelligence nous a permis de les découvrir, les considérer et les théoriser, et seul notre imaginaire nous permet de les explorer mentalement et de leur donner forme et couleur par la pensée. Rien ne prouve que tout cela existe réellement mais nos capacités d’analyse et de déduction ont rendus quasi palpables tous ces astres, galaxies, atomes, particules, énergies…

La puissance de notre imaginaire, c’est-à-dire notre faculté intellectuelle à imaginer, à concevoir d’autres formes de réalité, est l’une des principales caractéristiques de l’espèce humaine et de ses capacités cognitives. Notre cerveau est habitué à imaginer et à croire en de multiples illusions et notions virtuelles. Notre capacité d’imagination dépend en grande partie de notre vécu, de nos ambitions et de nos peurs, des facteurs environnementaux, de nos rencontres.

Mais cet imaginaire est-il virtuel ? L’imaginaire semble être un monde entre les deux, c’est-à-dire enraciné profondément dans le réel, avec une capacité de virtualisation qui semble infinie. L’« imaginaire » peut être défini comme le fruit de l’imagination d’un individu, d’un groupe ou d’une société, produisant des images, des représentations, des récits ou des mythes plus ou moins détachés de ce qu’il est d’usage de définir comme la réalité.[i]

Notre imaginaire est en quelque sorte notre premier moteur biologique de digitalisation et de virtualisation de nos émotions et idées, jusqu’à parfois les rendre quasi réelles à nos yeux. L’imaginaire, c’est la toute-puissance de l’Homme sur les éléments et ses semblables, la faculté à faire abstraction du réel ou à le voir différemment pour le façonner à sa guise, construire des nouveaux mondes parallèles, des mythes et des légendes.

Au fil de son évolution, l’Homme n’a cessé de s’étendre sur la surface de la terre mais il s’est également aperçu qu’en fusionnant les intelligences et actions humaines il pourrait alors croître encore plus rapidement pour repousser sans cesse les frontières de sa conscience et de sa puissance sur son environnement. Son imaginaire a alors grandement participé à créer des vecteurs de cohésion sociétales et de mutualisation des ressources, appelées religions, états, société ou argent.

« Nous pouvons, si nous le désirons, nous unir et former un groupe ayant pour base l’affinité de nos expériences illusoires »[ii].

« Alors que l’évolution humaine suivait son cours d’escargot habituel, l’imaginaire construisait de stupéfiants réseaux de coopération de masse tels qu’on n’en avait encore jamais vu sur terre »[iii].

L’humanité, d’abord somme d’intelligences, d’imaginaires et de consciences fragmentés est aujourd’hui en passe de devenir – et ce malgré le renfermement espérons provisoire de certaines nations – une seule et même intelligence, une unique force de conscience et d’intelligence partagée, espérons une unique entité responsable de sa planète. Nos nouvelles technologies et nos réseaux de communication, avec en premier lieu internet, font désormais de nous une espèce capable d’asseoir sa civilisation moderne sur un socle de mutualisation des compétences, des savoirs et des actions pour ainsi progresser encore plus vite.

L’imaginaire est aussi notre outil de simulation le plus poussé. Couplé à l’intelligence et l’instinct il a ainsi permis à certains grands Hommes de notre histoire tels, par exemple, des Stephen Hawking ou Albert Einstein, etc. d’élever leur niveau de conscience à un seuil quasi infini, leur permettant de parcourir l’univers sans fusées, de le comprendre sans télescope, d’y tester des théories sans simulateur, d’en extraire certaines pans de l’algorithme élémentaire de l’univers comme la relativité générale, la physique quantique, les trous noirs, jusqu’à matérialiser la matière virtuelle, etc.

L’imaginaire est ce qui a servi à ces grands scientifiques de différencier leur approche de la physique, des mathématiques, etc. pour finalement découvrir et résoudre les plus remarquables théories de l’univers. Ils réalisaient leurs expériences de pensées, appelées « gedanken », par la seule force de l’imaginaire. Ils y travaillaient des idées et y calculaient des équations qui leur permirent entre autres de prouver leurs théories. On dit ainsi de ces équations qu’elles constituent l’un des exemples les plus créatifs du pouvoir de la pensée abstraite absolue. Le plus récent et l’un des plus impressionnants de tous est sans aucun doute Stephen Hawking qui, enfermé dans son corps biologique, parvenait à développer l’ensemble de ses théories, simulations et calculs par la seule force de ses pensées et de son intuition. La puissance de ses images mentales dépassait de loin les méthodes de calcul traditionnelles, avec une forme de créativité quasi artistique, il regardait les problèmes par d’autres biais, d’autres prismes. Seul son imaginaire avait la capacité de l’emmener aussi loin et aussi vite. Par la seule force de ses pensées, il surpassait ses concurrents armés de stylos et d’ordinateurs.
« Il a entraîné son esprit au fur et à mesure à penser de manière différente des autres physiciens. Il réfléchit en utilisant de nouveaux types de représentations mentales intuitives et d’équations mentales ayant remplacé, chez lui, les dessins réalisés à la main et les équations écrites »[iv].

Récemment la NASA prenait la première photo d’un trou noir. Mais au-delà de la prouesse technologique et scientifique, nos yeux ne discernent qu’un point noir entouré d’un halo lumineux. Pour le moment seule notre intelligence nous permet de voir plus loin, d’imaginer l’invisible. En regardant cette photo, Stephen Hawking, par exemple, n’y aurait pas vu qu’un trou noir, ses facultés cognitives et son niveau de conscience lui auraient permis de discerner dans cette masse sombre, des paires de particules virtuelles chargées d’énergie positive et négative, des particules et antiparticules. L’imaginaire est donc capable de voir sous le seuil de la réalité observable et il y a fort à parier qu’il ait raison.

Mais pour la plupart d’entre nous qui ne pouvons exploiter l’imaginaire et l’intelligence à leur plein potentiel, le développement des technologies numériques, des IA et de la virtualisation deviennent des moyens efficaces d’amplifier nos capacités cognitives et de matérialiser nos pensées, en nous donnant la faculté de construire nous-même nos propres mondes et de nous y projeter, mais aussi et surtout de partager très efficacement au plus grand monde.

Désormais, et c’est très récent à l’échelle de notre évolution, nos nouvelles technologies se couplent à notre imaginaire pour nous permettre de lui donner vie, de le rendre quasiment réel, nous permettre de modéliser virtuellement les mondes que nos imaginons pour leur donner une matière quasiment palpable. C’est bien l’imaginaire des créateurs / développeurs qui façonnent actuellement les mondes virtuels, donnant ainsi au virtuel un caractère profondément réel. « Repoussez les limites de votre imagination » Publicité Samsung Gear VR. Les mondes virtuels deviennent ainsi si réels que le virtuel semble rattraper de plus en plus les capacités de l’imaginaire, ce dernier étant également de plus en plus contraint par le réel.

En effet, nos quotidiens humains faits de multiples sollicitations et pollutions sensorielles brident nos capacités d’imaginaire. Nos cerveaux sans cesse sollicités et nourris par une multiplicité de contenus ne semblent jamais en repos, soumis à des stimulis de plus en plus fréquents et envahissants. Bruits, mails, notifications de smartphone, appels, agendas surchargés, etc. environnent notre réalité et cloisonnent notre imaginaire à des plages de temps toujours plus réduits.

Ainsi, l’imaginaire, notre seul monde restant entre le réel et le digital, se comprime et laisse libre ces derniers de se mélanger.  Nous nous retrouvons dans une situation de « veartual », mélange de real (réel) et de virtual (virtuel), entre deux mondes qui semblent aujourd’hui se faire face ou tenter de ne faire qu’un.

[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/Imaginaire

[ii] Green, A. (2005), ibid. ; p. 30.

[iii] Homo Sapiens – Yuval Noha Harari

[iv] Stephen Hawking en images – J.PMcEvoy et Oscar Zarate – edp sciences

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