
Homo Data
Au milieu de cette magie créative d’un univers en expansion, l’Homme, fruit du long et complexe mélange de l’évolution représente désormais l’une des résultantes les plus avancées de la chimie des données élémentaires. Ses brins d’ADN, contenus dans chacune des 30000 milliards de cellules qui le composent, stockent plusieurs gigas de données, soit bien davantage que tous les serveurs informatiques en silicium de la planète réunis. Ses émotions, ses pensées, ses choix, ses mouvements sont autant de déclinaisons complexes de l’algorithme fondamental, calculées par ses milliards de neurones qui ne cessent de composer avec les myriades d’informations environnantes protéiformes.
Dès 1953, les biologistes Francis Crick et James Watson démontraient qu’il existait des lignes de codes dans les brins d’ADN. L’informatique ne serait alors pas une invention de l’homme mais une propriété du vivant. Un organisme serait une machine avec pour programme de se reproduire.
Assemblage ultra perfectionné d’informations cellulaires, l’Homme fait certainement partie des plus fortes singularités de l’univers data, caractérisé par l’immense capacité d’expansion de sa conscience dans un temps records de seulement 0,004% d’existence sur sa planète. Bien d’autres résurgences vivantes de la donnée élémentaire ayant évolué jusqu’à la conscience pourraient avoir émergé antérieurement ou simultanément dans l’univers. Au milieu des cent milliards de planètes contenues dans chacune des cent milliards de galaxies, certaines formes de vies pourraient avoir atteint le même niveau de conscience que le nôtre ou d’autres l’avoir largement dépassé, faisant de nous des êtres non plus signifiants mais insignifiants au milieu de la multitude. L’Homme, par sa volonté à comprendre et maîtriser son environnement a, en même temps, cheminé vers la conscience de sa place dans l’univers, à mi-chemin semble-t-il entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, tous deux nés de la même matière fondamentale, de la même chimie data.
« À mi-chemin des atomes et des étoiles, nous étendons l’horizon de nos explorations pour embrasser à la fois l’infiniment petit et l’infiniment grand. »[i].
Mais ce qui fait la force de notre espèce, cette capacité à mutualiser nos connaissances, de surcroît de nos jours via internet, nous permet chaque jour d’amplifier notre conscience du monde qui nous entoure. En poursuivant sans relâche sa quête de décryptage de l’algorithme univers, de cette théorie mathématique ultime, unifiant toutes les autres, l’Homme finira certainement par prouver que notre univers n’est que data et qu’il l’est lui-même tout autant. Ce Graal des énigmes que nous nommons « hypothèse de Rieman » et qui, si nous la résolvons, pourrait bien confirmer que notre existence repose sur un ordre profond, tracé par une sorte de Dieu sous la forme d’une équation. Une ultime clé qui permettrait d’affirmer que la naissance de l’Univers n’est pas fruit du hasard[ii].
L’humanité et l’ensemble des formes de vies découleraient des ondes fondamentales de l’Univers en mouvements, elles viendraient toutes de la même brique de données élémentaire de départ. Nous serions tous des ondes de vibrations de data, des formes de vies comme il pourrait en exister beaucoup d’autres. Dans cet océan d’existence, ce seraient ainsi ces ondes de données qui nous uniraient à la fois entre nous mais aussi avec notre Univers et tout ce qui le compose, c’est la théorie d’un champ unifié de conscience, d’unité, qui pourrait prétendre à résoudre le mystère de corps et d’esprit.
« La multiplicité que nous percevons n’est qu’une apparence, en vérité il n’y a qu’un seul esprit »[iii].
Chaque avancée technologique, scientifique, etc. serait une redécouverte plus profonde de notre vraie nature. Sous notre couche de conscience se cacherait ainsi un être digital par nature, un ordinateur biologique, un système d’information évolué et conscient de l’être. Baignés dans cette matière data physique, biologique, organique ; nos maladies, nos mauvais choix n’y seraient alors que des erreurs de codes ; la moindre de nos interactions avec le monde engendrerait un calcul, imprimerait une empreinte physique et virtuelle permanente, et enregistrerait un état d’information préalable puis futur. Nos aptitudes à créer l’informatique, manipuler la data numérique et créer des mondes virtuels, seraient ainsi, quant à elles, une seconde nature.
Les courants de pensée de l’IA Forte ou de la « métaphore informatique » établissent déjà un parallèle entre le rapport qu’entretiennent les programmes avec les ordinateurs et l’esprit avec le cerveau physique. Ils sous entendent que les deux pourraient partager la même logique de calculateurs de données affirmant déjà que l’Homme est une forme d’ordinateur régie par des lois mathématiques, certes complexe mais dont il serait possible de recréer voire d’égaler pour construire des machines capables de conscience, de pensées et d’émotions.
« Ce n’est plus l’ordinateur qui imite la pensée, c’est la pensée qui imite l’ordinateur. C’est la vie qui imite l’informatique. Autrement dit, il faut imaginer que ce langage organique qu’est l’informatique est peut-être le langage de la vie elle-même ».[iv]
L’Homme et l’informatique ne seraient alors pas rencontrés par hasard, la réunion aurait pu être déjà programmée, anticipée, mais pour quel objectif ? Celui de nous donner les moyens de rejoindre notre nature première d’Homo Data, de nous dématérialiser pour accéder à un niveau de conscience et de maîtrise ultime ? Notre monde naturel serait le digital dans toutes ses formes, aspects et énergies. Notre monde Réel pourrait être le Virtuel, nos mondes virtuels notre réel. Le monde physique et le monde numérique ne seraient alors pas liés uniquement par une dépendance énergétique mais ne seraient qu’une continuité de l’un vers l’autre. Homo Data disposant d’une aptitude unique d’intégration et d’assimilation des univers virtuels, nous serions, par nature, aptes à nous virtualiser, à nous dématérialiser dans des mondes digitalisés pour aller sans cesse plus loin et plus vite sans subir les limites de notre monde physique et de notre corps biologique.
[i] Citation de Carl Sagan
[ii] L’équation Dieu – Igor et Grichka Bogdanov – Grasset
[iii] Citation de Erwin Schrödinger
[iv] Traduction de la pensée de Jacques Lacan – informatique Céleste – Mark Alizart