Homo Data vit-il dans une simulation ?

par | 25 Août, 2020 | realite artificielle | 0 commentaires

Réalité et de virtuel s’imbriquent dans nos pensées depuis bien longtemps. Platon déjà, en esquissait les contours avec la théorie de la caverne. Il avançait l’idée que des prisonniers enchaînés dans une caverne depuis leur naissance, ne pouvant ni se regarder ni regarder ailleurs que vers le mur devant eux et ne percevant que les ombres projetées d’un feu situé derrière eux percevraient ces dernières comme leur réalité. N’ayant jamais rien vu ni entendu d’autres choses que ces ombres et les crépitements du feu, n’ayant jamais vu de personne réelle ou n’ayant jamais eu d’interaction humaine, ils ne pourraient pas s’imaginer un monde extérieur, voire même un monde tout court. Mais si l’un des prisonniers d’échappait et sortait de la caverne, il serait alors si apeuré et confus par ce qu’il verrait, qu’il choisirait de retourner dans le confort de la cave, sa propre réalité.

De même, au IVeme siècle avant J.C, le philosophe Chinois Tchouang-Tseu comparait sa propre existence à un rêve dans lequel il croyait être un papillon. Il remettait déjà en question la distinction entre rêve et réalité si les deux pouvaient sembler tout aussi réels l’une que l’autre.

« Toute évidence que nous avons pourrait être simulée »[i].

« Nous créons et percevons notre monde simultanément et notre esprit s’en sort si bien que nous ne nous en rendons même pas compte »[ii].

Se pourrait-il que nous ne soyons pas des créateurs de mondes virtuels mais des créations ? Que nous ne soyons pas réels sans le savoir ? Mais alors, « Comment savoir que nous ne vivons pas déjà dans une matrice ? L’une des réponses serait ; essayer de détecter la présence de code dans les lois qui décrivent la physique »[iii]Et il s’avère qu’en creusant toujours plus profondément la composition mathématique de la théorie des cordes qui sous-tend l’univers, le tissu du cosmos, on y découvre du code informatique. Certes, une forme particulière de code informatique déjà révélé par le scientifique Claude Shannon dès les années 1940. « Ce lien insoupçonné suggère que ces codes sont omniprésents et pourraient même être ancrés dans l’essence de la réalité. Si tel est le cas, nous pourrions avoir quelque chose en commun avec les films de science-fiction tels que Matrix, qui représentent un monde où toute l’expérience de l’être humain est le produit d’un réseau informatique générateur de réalité virtuelle »[iv].

Les mathématiques sont une invention humaine pour décrire notre monde et l’anticiper. Découvrir du code informatique dans les lois qui sous-tendent l’univers ne signifie pas nécessairement que nous vivons dans une matrice mais davantage que nous sommes nous-même constitués d’une forme de résurgence de code mathématique.
Nous ne sommes pas nécessairement des marionnettes dans une salle de spectacle mais davantage une espèce constituée d’une longue évolution programmatique d’un univers digital par essence. Une espèce qui, si elle peut atteindre un tel niveau de conscience, doit donc être capable de devenir totalement maître de son environnement et de générer elle-même des simulations de mondes lui permettant de se répandre dans d’autres dimensions, pour fuir sa réalité ou bien pour progresser plus vite afin de sauver cette dernière.

Aujourd’hui, l’humanité a déjà mis un pied dans l’ère de la simulation virtuelle, elle commence à devenir capable de recréer des mondes réalistes et à s’y immerger en masse.
En moins d’un demi-siècle les jeux vidéo et simulations virtuelles sont ainsi passés du stade de quelques pixels sur un écran à des simulations 3D ultra détaillés en réalité virtuelle d’un réalisme et d’une capacité d’immersion sans cesse plus poussés. Les technologies de calcul graphique continuant d’évoluer dans cesse, il nous sera bientôt possible de simuler entièrement la réalité. Les ordinateurs seront bientôt capables de générer des univers complets et photoréalistes, il leur sera aussi possible de simuler l’intelligence voir de prendre conscience d’eux-mêmes.

A l’échelle des 13,7 milliards d’années d’évolution de l’univers, notre demi-siècle d’évolution technologique fulgurante vers la virtualisation ne représente qu’une infime partie d’un battement de cils. Et à l’échelle de l’univers et de ses millions de milliards de planètes habitables, nous pourrions très probablement ne pas être les premiers à avoir atteint le niveau de conscience, d’intelligence et de technologie permettant de se dématérialiser. Et, statistiquement, nous pourrions même être nous-même déjà le fruit d’une simulation. D’autres espèces dans l’univers ont possiblement atteint les capacités technologiques leur permettant de créer des simulations d’univers complets. Certaines ont peut-être déjà choisi de s’y dématérialiser complètement, de devenir entièrement digitales. Au point peut-être d’avoir alors continué à créer des simulations au sein de la simulation originelle, engendrant alors un phénomène de ruissellement de mondes virtuels imbriqués, altérant par la même la notion de réalité.

Déjà, à mesure que les technologies progressent, que les expériences virtuelles deviennent de plus en plus immersives et que les personnages digitaux interagissent avec nous, en apparence de leur propre gré, notre compréhension de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas commence à devenir flou.

Réel et virtuel s’imbriquent déjà au sein des technologies de Réalité Augmentée (AR) et de Réalité Mixte. Les informations virtuelles se juxtaposent au réel pour optimiser nos déplacements, faciliter nos tâches, amplifier notre apprentissage. Cet état d’imbrication des supposés contraires réel et virtuel était nommé paradoxalement « réalité intégrale » par le philosophe Jean Baudrillard[v].

A notre échelle, nous ne voyons pas les éléments microscopiques qui composent notre monde, exactement comme nous ne voyons pas le code source de nos simulations virtuelles et de nos jeux vidéo. Peut-être croyons-nous notre monde fait de choses physiques alors même qu’il n’est qu’un ensemble de formes et interactions artificiellement programmées. Quelqu’un doit venir vous rendre visite, vous ne le voyez pas partir et à un moment il est là. Peut-être n’est-ce alors que votre conscience qui construit votre réalité ? Cette théorie s’appelle le « Monde Gestalt », une structure ou une configuration de détails qui, ensembles, impliquent l’existence d’un monde, une hypothèse de la manière dont les choses doivent se comporter pour permettre à la simulation de fonctionner.

« Il me semble que les chances qu’on soit dans la réalité initiale sont de 1 sur des milliards »[vi] avance Elon Musk.

Lorsqu’aucune simulation n’existe, il y a 0% chance d’y être puis dès qu’une première apparaît alors les chances montent à 50%.
Avec des simulations imbriquées possiblement indéfiniment, le pourcentage de chance de ne pas être dans une simulation devient minime. Il se pourrait donc que des civilisations extrêmement avancées aient déjà quitté notre univers pour se répandre dans une infinité d’autres dimensions, une infinité d’autres univers digitaux. Au point que pour ces espèces évoluées toutes les simulations virtuelles deviennent autant de réalités tangibles.
Cette loi de l’imbrication énoncée par Nick Bostrom démontre que l’univers que nous qualifions de réel devient alors statistiquement un seul parmi une multitude pour au final possiblement perdre son statut réel[vii].

L’évolution rapide des technologies de virtualisation proposant des mondes de plus en plus réalistes, nous amène à penser qu’un jour peut-être nous ne distinguerons plus la réalité de la simulation. Et un jour peut être que la majorité d’entre nous vivra sa vie en ligne, connecté à des multiverses virtuels, et que finalement nous aurons abandonné le réel, ne voyant plus d’intérêt à y rester. Un jour peut-être que ces multiples mondes dans lesquels nous travaillerons, nous amuseront, croisons nos amis seront si développés et si amusant à « vivre » que nous aurons perdu tout intérêt pour notre réalité première.

[i] David Chalmers, professeur de l’Université de New York

[ii] Dialogue de Léonard Di Caprio dans le film Inception

[iii] Dr James Gates Jr.

[iv] Dr James Gates Jr.

[v] Simulacres et simulation – Jean Baudrillard – édition Galilée – 1981

[vi] Elon Musk, TED conference

[vii] Are you living in a computer simulation ? Nick Bostrom

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