Digital vs Virtuel

par | 29 Déc, 2020 | realite augmentee | 0 commentaires

Il est communément admis que le Virtuel a une connotation davantage péjorative que positive. Définissant l’absence d’existence, il va à l’encontre de la réalité au sein de laquelle nous nous définissons, dans laquelle nous évoluons et qui nous rassure.

« Nous avons créé des mondes que nous savons, la plupart du temps, être d’une réalité autre que celle dans laquelle nous évoluons habituellement. Cette réalité, nous la désignons, d’ailleurs, comme étant « virtuelle » ; c’est-à-dire « qui est seulement en puissance mais sans effet actuel »[i].

Dans le langage commun, le terme Digital oppose frontalement l’analogique au numérique, le biologique au virtuel. Les anglosaxons lui ajoutent une dimension supplémentaire de « chiffres », c’est-à-dire implicitement de data, de données. Le monde digital est ainsi qualifié d’environnement virtuel constitué de data. Notre monde étant composé d’informations et créant une infinité de données, les limites entre ces deux états d’existence ne cessent de se flouer.

Les termes digitalisation, numérisation, virtualisation ou dématérialisation caractérisent quand à eux le passage d’un état analogique à un état numérique. Mais se virtualiser ne veut pas exclusivement dire se transposer dans une machine, il peut s’agir de changer d’état et pas seulement de manière numérique. La notion de virtuel dépasse bien largement celle de projection digitale au sens numérique.

 Le Virtuel est un terme qui a d’abord été utilisé pour désigner ce qui est seulement en puissance, sans effet actuel. Il s’emploie souvent pour signifier l’absence d’existence. Puis à partir des années 1980, le terme est entré dans une nouvelle dimension pour désigner ce qui se passe dans un ordinateur ou sur internet, c’est-à-dire dans un monde numérique par opposition au monde physique.

Il est frappant de voir que le Virtuel est passé, en quelques décennies seulement, d’une qualification d’« absence d’existence » au stade de « monde numérique », c’est-à-dire d’un état de rien à une infinité d’espaces et de possibilités. Par nos évolutions technologiques nous avons donné naissance et substance à une matière jugée inexistante et immatérielle. L’humanité considère désormais le virtuel comme des mondes possibles dans lequel il est possible d’entrer quotidiennement pour se rencontrer, travailler, se divertir.

Intellectuellement, il est désormais du domaine du possible qu’après avoir créé cette matière numérique, nous pourrions lui donner « vie », c’est à dire décider de s’y retrouver de plus en plus souvent et en grand nombre, avant de s’y immerger définitivement ?

Aujourd’hui le virtuel est palpable au travers de nos écrans et interfaces numériques, il est visitable grâce à la puissance de calcul de nos cartes graphiques mais un jour il pourrait pénétrer notre cerveau, s’y brancher jusqu’à nous projeter dans un autre réel.

Désormais virtuel ou digital regroupent les notions de mondes virtuels, de contenus fictionnels, d’interfaces augmentées, d’immersion sensorielle, de réalités virtuelles et augmentées, d’interfaces neuronales et de tous les futurs moyens qui nous connecteront, nous immergerons dans de nouveaux mondes, qui nous déconnecteront du réel ou au contraire l’augmenteront.

Ce Virtuel au sens global, porté par les développements humains, tente chaque jour de rejoindre les capacités quasi infinies de notre imaginaire en nous dotant de pouvoirs toujours plus puissants tels que de créer des mondes virtuels pouvant immerger simultanément des centaines voire milliers de personnes.

« Nous aurions sans doute tort de concevoir le « virtuel » comme renvoyant totalement à la dimension imaginaire de l’expérience. Une telle conception nous amènerait à envisager le sujet comme lui-même dupé par l’artifice du virtuel. »[ii]

Il est plus profitable de tenter de saisir les ressorts que les individus cherchent à puiser dans le virtuel que de s’y confronter ou d’en tirer des réactions catastrophiques ou réactionnaires. C’est la marche des choses, celle du progrès humain.

[i] Le Nouveau Littré, Edition 2006, Op. Cit.

[ii] Mondes virtuels et capacité d’illusion : les avatars du lien (Christophe Janssen et Sophie Tortolano – Cahiers de psychologie clinique 2010/2 (n° 35)

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