Data Universe

par | 31 Mar, 2020 | realite data | 0 commentaires

-13,799 milliards d’années, J0 – mur de Planck, notre univers est une minuscule sphère pesant 20 microgrammes. Les notions de temps, d’espace, de rayonnements et de forces y sont stockées à l’état de briques de données élémentaires. L’ensemble des lois, de la matière, des énergies et des interactions fondamentales sont homogènes et unies par un seul algorithme ultime qui va bientôt se libérer. Le temps réel est mélangé au temps imaginaire. La matière est immatérielle. Tout est connecté à tout. L’atome primordial n’est que data pure. Malgré notre niveau très élevé de conscience actuelle, ce point zéro demeure en dessous de notre réalité observable ou imaginable, certains l’appellent le point de rencontre avec la main de Dieu.

J0 + mur de Planck, c’est le Big Bang, l’algorithme univers entre en action, il libère la masse de données élémentaires qui explose, se propage dans l’espace-temps pour y devenir astronomique, fondamentale. Au moment précis de ce big bang data, le temps est imaginaire et l’univers est un système quantique unique[i], en une fraction de seconde, il mesure déjà des millions de kilomètres. La grande inconnue demeure, qui ou quoi aurait généré cette impulsion initiale ?

J + 13,799 milliards d’années d’évolution, l’algorithme univers se déploie telle une fonction d’onde sur la base de cette nébuleuse de particules d’informations. Mécanique quantique, Relativité Générale, Thermodynamique, etc. définissent l’agencement des données qui changent alors d’états, de natures, de sens, de fonctions. Brassées, imbriquées, fusionnées, dupliquées, scindées, les données élémentaires forment, entre autres, ici le vide, ici les atomes, ici la matière, ici la gravitation, ici le temps, ici la lumière, ici la vie. Cette magie donne naissance à notre univers connu et inconnu, visible et invisible, palpable et impalpable, peut-être même réel et virtuel, physique et digital. Cet algorithme univers continue encore d’échapper à notre quête de théorie unitaire combinant et unifiant la relativité générale et la mécanique quantique[ii].

J+13,799 milliards d’années, année 2020 du calendrier Grégorien, l’algorithme poursuit toujours sans relâche sa création. La donnée sous-entend désormais chaque chose, elle est devenue le socle de notre univers, sa matrice. Dans cet univers data, chaque particule, chaque élément, chaque changement d’état, chaque mouvement imprime une information, enregistre un paramètre, engendre des calculs. L’univers continue sans cesse de fabriquer de la matière avec de l’information. Ici et là, la vie naît de cette harmonie de précision mathématique. Toujours sous le coup de l’impulsion fabuleuse du Big Bang, l’ensemble des formes de données poursuivent inexorablement leur expansion. Et chaque élément fondamental quelles créent semble suivre la même force, y compris la vie.

J+ 18 milliards d’années, les réserves d’hydrogène de notre soleil sont épuisées. Lui qui était parvenu pendant 10 milliards d’années à préserver son équilibre entre gravité et rayonnement passe rapidement du stade de naine jaune à géante rouge, sa taille devient telle qu’elle engloutie la quasi-totalité des planètes de notre système dont la Terre. Cette dernière était de toutes façons devenue inhabitable depuis des centaines de millions d’années du fait de l’augmentation progressive de la température de notre défunt soleil. Notre Terre n’est plus et toute forme de vie disparaît de notre système solaire. L’Homme ou l’une de ses formes descendantes auront-il survécu jusqu’alors ? Auront-il depuis longtemps quitté ce système solaire et sa Terre originelle déjà agonisante des milliards d’années auparavant ?
« Afin que notre espèce survive à long terme, afin d’éviter d’être englouti par un Soleil agonisant et déchaîné, il nous faut – nous n’avons pas le choix – prendre les rênes de notre propre futur. Démêler les lois de la nature et apprendre à les utiliser à bon escient est notre seule chance. […] Pour survivre aux innombrables catastrophes potentielles, et à l’inévitable fin du Soleil, le chemin est celui de la connaissance, de la science »[iii].

J+ 1000 milliards d’années, game over, l’univers a fini son expansion, chaque étoile a consommé la totalité de son hydrogène, c’est le noir total. Plus rien n’est censé exister, à part peut-être d’autres univers si tant est qu’ils existent ou bien d’autres mondes autonomes que l’Homme ou d’autres espèces intelligentes et leurs descendances seraient parvenues à créer et dans lesquelles elles se seraient échappées pour continuer de croître sans limites et sans fin.

La vie biologique telle que nous la connaissons est-elle alors l’apogée de cet algorithme universel ? Ou bien n’est-ce qu’une étape d’évolution ? Cet univers data peut-il héberger d’autres formes de réalités, d’autres formes d’évolutions que celle que nous vivons ou imaginons ?
Et l’Homme, en tant que fruit de l’algorithme élémentaire arrivé à un degré de d’évolution avancé, pourra-t-il continuer sans fin à éveiller sa conscience, parviendra-t-il à remonter le process de construction de cet algorithme au-delà de la réalité observable et calculable ? Cela lui servira-t-il d’ailleurs à quelque chose de le faire ? Cela pourrait-il signifier sa fin ?

Mais qu’est-ce que la donnée qui semble être la brique de base de notre univers ? La donnée est information. Elle peut-être une description élémentaire d’une réalité, une observation, un point de départ servant à un raisonnement, le résultat d’une comparaison, d’un calcul. A l’état de donnée brute, elle est dépourvue de tout raisonnement, supposition, constatation ou probabilité, elle est jugée indiscutable. La donnée est présente partout autour du nous sous une myriade de formes spatiales, temporelles, biologiques, quantiques, astronomiques, organiques, etc. Toutes ces typologies de données forment l’essence de notre univers, le point de départ de raisonnement de son algorithme, la matrice de base de sa conception et de son expansion.

Dans le langage commun, la notion de donnée est rattachée quasi exclusivement au monde du numérique, comme si seul ce dernier pouvait prétendre être générateur et catalyseur de données. Le numérique n’est qu’un moyen récent plus rapide de traiter la donnée, une technologie humaine pour la décoder, la maîtriser et en extraire des prédictions. Le numérique est notre pierre de silex qui a allumé que très récemment un nouvel âge d’expansion de l’intelligence.

Physique et cosmologie disposent depuis peu d’un sous-domaine appelé « physique numérique » qui assume scientifiquement des perspectives théoriques basées sur le postulat que l’univers peut être décrit par des informations et peut donc être calculé, voire même déjà simulé d’une certaine manière. C’est la théorie de l’« hypothèse de la simulation » au sein de laquelle les chercheurs procèdent au rapprochement des lois de notre monde réel avec nos logiques mathématiques et technologiques. Certaines études déduisent déjà que le rapprochement théorique est envisageable[iv], que notre Univers, à l’image d’une grille de pixels sur un écran dispose une résolution dite « finie », d’un maillage de base, d’une matrice « sous-jacente ». L’Univers et la réalité ne seraient pas seulement faits d’énergie ou de matière mais davantage de fragments d’information, de Data. De plus en plus de communautés scientifiques s’accordent à dire que la matière comme telle n’existe pas, que la substance de la nature serait une fonction d’onde, un vecteur dans l’espace. La mécanique quantique est ainsi elle-même une manifestation d’informations, une manifestation de potentiels, c’est-à-dire d’ondes d’informations régis par des ondes d’électrons potentiels. Mais quelle serait alors la matrice régissant ces ondes, telles des vagues à la surface d’un océan ? Il s’agirait d’un « océan universel », que certains appellent « champ unifié » ou « champ de la supercorde ». Cet univers d’ondes et d’ondulations pourrait bien être la donnée elle-même. Un univers en mouvement disposant d’un algorithme imprimant ondes et mouvements à la data qui le compose. La donnée est-elle cette brique ultime, indivisible, ce plus petit et à la fois le plus grand élément maître constituant de notre univers ?

[i] études de la singularité au moment du Big Bang – Hawking et Hartle

[ii] Une brève histoire du temps – Stephen Hawking

[iii] L’Univers à portée de main – Christophe Galfard – Flammarion

[iv] Constraints on the Universe as a Numerical Simulation. Cornell University

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