Notre conscience fabrique le reel

par | 21 Août, 2020 | realite artificielle | 0 commentaires

Les termes réalité et réel sont indissociables, ils insistent sur l’idée d’une existence effective et « incontestable » qui existerait indépendamment de nous, une réalité persistante même lorsque nous disparaissons. Les capacités de notre subconscient, de notre imaginaire, nos dernières découvertes scientifiques ou les nouvelles interfaces de virtualisation trompant toujours davantage nos sens, cette sensation de réalité perd toujours davantage son statut « incontestable ».

La réalité nous apparaît à première vue extérieure à nous, comme existant indépendamment à notre observation. La matière a l’air parfaitement solide et l’existence du monde physique semble régi par des lois et des forces en dehors de notre contrôle. Nous sommes convaincus de percevoir, ressentir et toucher un environnement matériel distinct de nous, un monde persistant et autonome. Mais comment pouvons-nous être vraiment sûrs que la réalité pourrait exister indépendamment de son observation ?

Certains physiciens ont émis l’hypothèse que notre Univers n’existerait pas dans l’espace et dans le temps sous forme de particules matérielles sans la présence d’observateurs. Cela sous-entendrait que, les yeux fermés et avec l’ensemble de nos sens totalement au repos, nous ne serions environnés que de fonctions d’ondes immatérielles et que, dès la réactivation de nos sens, ces ondes prendraient formes physiques et énergétiques. L’Homme, résultante de l’Univers Data, serait alors le créateur de sa propre réalité.

Mais l’Univers existant depuis 14 milliards d’années, ce dernier ne devrait-il pas nous avoir attendu pour se matérialiser ? Pour tenter de le comprendre, il faut descendre à l’échelle Quantique. Le bon sens qui voudrait que les objets existent de manière objective, indépendamment de notre observation, devient obsolète lorsque l’on considère la physique quantique[i]. Le physicien danois Niel Bohr nous interpellait ainsi : « Si la mécanique quantique ne vous a pas encore profondément choqué, alors vous ne l’avez pas encore comprise. Tout ce que nous appelons réel est fait de choses qui ne peuvent pas être considérées comme étant réelles ».

En 1927, John Wheeler, physicien théoricien américain démontrait que l’observation influait sur le passé des objets quantiques. En d’autres termes, nous aurions alors le pouvoir en tant qu’observateurs de les définir depuis leur création. Ce qui aurait alors provoqué l’apparition de l’univers sous forme de matière solide plutôt que sous forme d’ondes ou d’énergies serait peut-être le fait qu’il y aurait plus tard des systèmes collecteurs d’informations tels que les êtres humains. C’est ainsi que les physiciens en sont venus à redouter le « problème de la mesure », c’est à dire que la matière n’existe que si on la mesure. Exemple, un atome n’apparaît à un endroit précis que lorsqu’on le mesure, en d’autres termes, un atome est disséminé à un endroit jusqu’à ce qu’un individu dit « conscient » décide de l’observer. Par conséquent, l’acte de mesure où d’observation créé l’univers. L’acte d’un observateur conscient créé donc l’existence des objets physiques et de leurs propriétés associées. La probabilité quantique n’est pas l’endroit probable où est l’atome. C’est la probabilité de trouver l’atome à un endroit particulier. Autrement dit l’atome n’était pas quelque part avant qu’il soit observé étant là[ii].

« Il n’y a pas de réalité objective au-delà de ce que nous observons »[iii]Nous, les humains, sommes encore incapables de connaître la vraie nature de l’univers. Nos sens et notre cerveau ne peuvent distinguer qu’une fraction du monde. Nous sommes donc obligés de nous servir de notions et d’outils pour tenter de comprendre la vraie nature de la réalité. Les progrès technologiques ont déjà considérablement élargi nos connaissances sur l’univers et notre seuil de réalité observable tout en nous révélant que notre conscience de la réalité pouvait être seulement subjective.

« Toutes les choses que appelons réelles sont faites de faites de choses qui ne peuvent pas être considérées comme réelles »[iv].
« Les atomes ou particules élémentaires elles-mêmes ne sont pas réelles, elles forment un monde de potentialités ou possibilités plutôt que des choses ou des faits »[v].

Mais alors, si notre conscience des êtres vivants qui observent leur environnement est capable de transformer les ondes quantiques en matière palpable, respirable, audible et visible, ne peut-on alors pas considérer que notre conscience, nos désirs et nos intentions peuvent influer sur l’environnement matériel autour de nous ? Ne peut-on pas également considérer que l’humain pourrait s’éveiller à d’autres réalités créés par lui-même si il parvenait à recréer des formes d’ondes quantiques élémentaires sous forme numérique par exemple ? L’Homme ne pourrait-il pas un jour devenir capable de créer ses propres univers, d’autres formes de réalités moins contraintes que celle dans laquelle il vit ?
La conscience de l’Homme serait, à son échelle, si puissante, qu’elle serait capable de donner matière et existence à l’immense océan d’ondes de données qui l’entoure, d’en faire sa propre réalité. L’Homme serait donc logiquement en mesure de donner matière et consistance à d’autres fonctions d’ondes dont certaines pourraient être artificielles, des ondes de données qu’il aurait lui-même créé et dont certaines pourraient être numériques, créés par l’Homme.

« La conscience est ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Sans conscience, rien dans nos vies n’aurait de sens ou de valeur. Mais en même temps c’est aussi le phénomène le plus mystérieux de tout l’univers. »[vi]

Ce qui nous donne cette impression de réalité permanente c’est que notre corps n’est jamais complètement déconnecté, nos sens sont quasiment tout le temps en éveil et ressentent cette matière qu’ils participent à créer. Mais dès que nous nous endormons, dès que notre conscience fait place au subconscient et libère totalement notre imaginaire, nous déconnectons alors nos cinq sens et retrouvons un état de conscience mêlé aux ondes de l’univers qui rend alors notre cerveau capable de créer ses propres mondes.
Les phénomènes inexpliquées qui nous font sourire, tels que la prémonition, les transmissions de pensées, etc. pourraient n’être finalement que des phénomènes physiques dont les lois nous échappent encore, ils pourraient n’être simplement que des ondes de conscience transmises au travers de cet océan d’informations en mouvement.

« Je considère la matière comme dérivant de la conscience. Nous ne pouvons aller au-delà de la conscience. Tout ce dont nous parlons, tout ce que nous voyons comme existant, suppose la conscience »[vii].

« L’étude du monde objectif nous mène à la conclusion scientifique que le contenu de la conscience est l’ultime réalité »[viii].
Seule notre conscience construirait notre réalité. Mais alors, si nous réussissons à tromper cette dernière par la virtualisation, pouvons-nous gagner le pouvoir de créer d’autres réalités tangibles ? Les puissances de calculs et de virtualisation évoluant sans cesse, ces dernières parviennent à tromper nos sens au point que nous sommes amenés à penser que notre réalité pourrait elle-même être simulée ou que nous pourrions en créer d’autres tout aussi réalistes.

Une espèce consciente telle que la nôtre habituée à admettre sans cesse de nouveaux paramètres de réalités et désormais capable de créer des propres réalités parallèles grâce à ses technologies de virtualisation a ainsi toutes les chances de pouvoir s’y immerger, voir s’y transposer.

Nous naissons dans un monde qui induit que la réalité était là avant nous et qu’elle nous survivra, qu’elle est indépendante de nous. Mais chaque être humain, par ses idéaux, ses rêves, ses ambitions, ses choix a, depuis les origines, façonné le monde dans lequel nous vivons tous ensemble. Par son intelligence biologique et collective, l’Homme est la seule espèce connue à avoir le pouvoir de planifier son avenir. Si nous venions à trouver la solution de remonter dans le temps, nous constaterions que changer un infime paramètre de l’équation de nos choix additionnés sur des milliers d’années n’aboutirait pas à la même société qu’aujourd’hui, ni même aux mêmes individus. Nous sommes tous maîtres de notre destin et la puissance de nos imaginaires communs nous a donné énormément de pouvoirs sur notre environnement et nos semblables. Cet imaginaire a façonné des idées et concepts si forts et si partagés qu’ils semblent désormais réels pour la plupart d’entre nous. Etats, frontières, religions, lois, modèles économiques, entreprises, fruits de ce puissant imaginaire collectif ont permis à l’Homme de conquérir son monde et de vivre en communautés élargies toujours plus puissantes et créatrices de valeurs et de richesses. Mais, en contrepartie, tous ces idéaux et idées impalpables ont engendré un nombre désormais exponentiel de carcans mentaux, de normes, de convictions, de conventions, de territoires cognitifs qui finissent désormais de contraindre notre réalité première et possiblement de nuire à notre faculté d’expansion.

Là encore tous immergés dans une seule réalité qui semble partagée, la tentation de créer nos propres mondes régis par nos propres règles ne cesse de croitre.

[i] Niels Bohr, physicien Danois, 1922

[ii] Alain Aspect , physicien, 1982

[iii] Vidéo : « l’illusion de la réalité, la matière n’existe pas sans conscience »

[iv] Niels Bohr

[v] Werner Heisenberg, Nobel de physique allemand, 1932

[vi] David Chalmers – Comment expliquer la conscience ? – conférence TED 2014

[vii] Max Planck, physicien allemand, Nobel de physique, 1918

[viii] Eugène Wigner, physicien hongrois, Nobel de physique 1963

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