Ré enchanter la réalité ou la fuir ?

Ré enchanter la réalité ou la fuir ?

Ré enchanter la réalité ou la fuir ?

“En 2060 il y aura deux fois plus de bâtiments dans le monde, cela sous-entend construire, chaque mois une nouvelle ville comme New-York tous les mois pendant 40 ans[i].”

Milieux urbains densifiés et qui ne cessent de s’étendre, transports et réseaux saturés, notifications des smartphones auxquelles on se sent obligé de répondre, plannings surchargés, culte de la productivité et du consumérisme, etc. Notre champ de vision quotidien qui ne dépasse pas quelques dizaines de mètres pour les citadins se comprime en fait bien davantage lorsque pour travailler ou nous divertir nous plongeons dans les écrans de smartphone, ordinateurs ou téléviseurs. Regarder des interfaces numériques à répétition et pendant des heures devient ainsi une habitude et rapidement une nécessité, un besoin irrépressible.

Ainsi, pour un nombre croissant de personnes, il n’est plus vraiment absurde d’avoir passé pendant la journée davantage de temps devant un écran qu’à regarder les autres ou le monde alentour. Toujours plus d’individus considère ainsi ce monde réel comme de plus en plus contraignant, routinier, de plus en plus anxiogène, peu propice à l’imaginaire et entravant notre volonté d’expansion cognitive, nos capacités de confort, notre productivité.

A contrario de son expansion, notre monde réel devient une sorte de flux permanent qui semble se comprimer physiquement et mentalement autour de nous.

Face à cette réalité comprimée, s’extraire de son quotidien devient un besoin grandissant. Les moyens de se divertir sont devenus sans cesse plus accessibles et divers, au point désormais s’occuper une part prépondérante de nos vies. Les nouvelles technologies ont métamorphosé ces divertissements, leur donnant le pouvoir de nous accompagner partout et de s’ouvrir à de véritables univers.
A tout âge, partout, n’importe quand et avec n’importe qui, nous nous divertissons tous de plus en plus et des technologies telles que la réalité virtuelle nous amènent désormais là où aucune autre forme de média n’avait pu nous emmener.
« Demain les divertissements exalteront tous nos sens, notre curiosité et notre imagination. Ils effaceront les frontières entre réel et virtuel, les interactions seront au cœur de leur concept. Dans ces nouveaux mondes, nous pourrons interagir avec nos héros préférés et vivre des expériences totalement inédites »[ii].
Ces expériences que nos ancêtres ont certainement rêvé, nous sommes désormais en capacité technologique de les réaliser. Par les divertissements en réalité virtuelles ou augmentées ce sont désormais plusieurs « vies virtuelles » que l’on nous propose de « vivre ».

Face à cette réalité comprimée, nous sommes déjà obligés d’user d’artifices pour enjoliver notre monde réel.
Artichoke, société co fondée par Helen Marriage et Sarah Coop en 2006, développe des « moments », c’est à dire des expériences dans le but de créer des souvenirs indélébiles.
Elle fait le constat que notre monde réel est devenu pour la majorité d’entre nous, une simple routine. Nos villes sont devenues des machines pour nous amener à l’heure au travail où l’homme est quelque part transformé en machine de production cognitive au point qu’il devient nécessaire de créer des expériences de vie émouvantes et éphémère pour générer chez nous des souvenirs éternels. « La curiosité avait triomphé de la suspicion et l’enchantement avait banni l’anxiété »[iii]

En créant ces expériences artistiques monumentales vécues par des milliers de personnes, la société avait réussi à changer le regard des gens. Mais enchanter le monde réel nécessite de déployer d’importants moyens, peu économiques ni écologiques qui peu également donner lieu à des aberrations. La récente initiative de la société StarRocket de créer les premières publicités orbitales montre certaines limites de nos facultés à expandre notre espace réel. « Après avoir envahi l’espace public, après s’être invitée dans nos écrans, après s’être répandue dans les pages des journaux et des magazines, la publicité s’apprête à conquérir un nouveau territoire : l’espace ». L’entreprise russe StarRocket prévoit prochainement de mettre sur orbite un essaim de nano-satellites — des CubeSats — pour faire la promotion de marques partenaires[iv]. Pour atteindre cet objectif de diffusion publicitaire dans le ciel, des moyens gigantesques devront être déployés, lancement de fusées, pilotage de satellite, des milliards de dollars. En Réalité augmentée la même initiative n’aurait demandé le déploiement de de quelques lignes de codes. La marque de boissons alcoolisées Get27 déploie une énergie considérable à repeindre temporairement une rue de Paris en vert avec une peinture spéciale Thermacote faisant baisser la température ambiante. Opération publicitaire qui fait grincer des dents les riverains parce que extrêmement invasive à la fois du domaine public et privé.
Le déploiement de la réalité augmentée bénéficiera essentiellement aux marques dans un premier temps, qui y trouveront des moyens d’expression décuplées et bien moins onéreux, leur permettant de faire entrer la publicité dans une nouvelle ère de spectacle à grande échelle. Ces déploiements technologiques démesurées et dangereux pour notre environnement perdent tout leur sens lorsque l’on sait qu’ils ne couteraient presque rien en temps et argent s’ils étaient déployés dans des interfaces de réalité augmentées pour le même résultat visuel, la même expérience utilisateur. Ici n’importe quel utilisateur portant des lunettes augmentées pourrait voir cette publicité dans le ciel, et demander à l’éteindre individuellement par un simple geste ou commande vocale.

 Notre réel se serait-il ainsi tant affadi, il serait devenu une telle routine que nous arrivions désormais au stade de devoir l’enjoliver d’artifices? Pourquoi en est-on arrivé à considérer notre monde moderne comme anxiogène, pourquoi souhaite-t-on toujours davantage le fuir ? Pourquoi ce monde nous donne-t-il autant d’arguments pour rejoindre toujours plus souvent le virtuel ? N’est-ce pas finalement une solution de facilité que de fuir un monde que nous anéantissons pour échapper à la vision de sa destruction ? Notre besoin d’expansion inscrit au plus profond de nos gènes déformera un jour ou l’autre la vision que nous avons de notre réalité pour finir par la considérer comme un obstacle plutôt qu’une opportunité au progrès humain.

[i] Bill Gates – vidéo Youtube – Février 2019

[ii] Rêver le futur – Amazon Prime Vidéo

[iii] Helen Marriage, Conférence TED « de l’art public qui transforme les villes en terrain de jeux our l’imagination »

[iv] Article de Numerama sur la publicité Orbital et la société StarRocket

Un réel limité vs un digital sans limites ?

Un réel limité vs un digital sans limites ?

Un réel limité vs un digital sans limites ?

Nos (r)évolutions dans tous les domaines, médical, scientifique, technologique, architectural, sociétal, etc. ont certes étendu nos constructions à perte de vue, généré des milliards de données sur les réseaux et nous feront poser le pied sur mars, mais elles ont également crées autant de besoins qui désormais nous définissent et nous envahissent, engendrant par la même une sensation de compression autour de nous. Plus nous progressons et plus nous complexifions notre monde de règles et de normes qui finissent par créer, en sus d’un carcan spatial, un carcan mental. L’Homme semble avoir limité lui-même sa propre réalité.

Le Virtuel, quant à lui, est notre création, nous pouvons de plus en plus facilement lui donner vie, sens, qualité, lui donner des dimensions, un début et une fin, le dupliquer, se permettre de s’y tromper et de recommencer. Le Virtuel semble toujours plus confortable pour notre cerveau, plus facile à appréhender, à modeler selon nos besoins et envies insatiables. Notre cerveau n’a aucun mal à s’y plonger à contrario de notre corps physique.

L’Humain augmenté, le transhumain, le post humain, tous ces courants de pensées partent d’un même constat, celui d’une espèce biologique dont le cerveau croît plus vite que les capacités physiques de son corps et de son environnement. L’augmentation exponentielle de notre intelligence et de nos moyens de l’augmenter par la technologie finissent par enfermer notre cerveau dans un corps et un environnement qui ne sont plus adaptés ni aptes à subvenir à nos besoins et envies de croissance de notre conscience. Déjà l’Homme commence à s’ « augmenter » pour assouvir les besoins d’expansion de son cerveau. Implants cérébraux, exosquelettes, tous les moyens sont bons pour tenter de s’extraire à la gravité, au temps qui passe, pour étendre les capacités très limitées de nos corps physiques.

 Plus tôt que prévu donc, devant la concurrence des IA et face à un environnement déjà essoufflé par seulement un siècle de progrès humain, les augmentations de nos corps et de notre environnement pourraient ne pas nous suffire. Il se pourrait même que nous ne passions pas par le stade cyborg ou Homme Augmenté et que nous devions passer à la vitesse supérieure plus tôt que prévu, que nous devions rejoindre un état digital, un corps et des environnements dématérialisés, façonnables à l’envie donc sans limites.

Nous prenons l’avion pour passer deux heures de réunion dans un pays limitrophe sous prétexte qu’il est impératif de se rencontrer physiquement pour se comprendre. Assis dans un taxi nous ne croisons que des conducteurs assis au volant de véhicules aux gabarits de plus en plus imposants, etc. nos bilans carbone journaliers ne cessent de s’alourdir. Voyager toujours plus loin, livrer toujours plus vite, se déplacer à des fréquences toujours plus importantes, font désormais parti des principaux besoins de l’Homme mais sont aussi les plus énergivores pour notre planète.  Cette boulimie mondialisée de mouvement est devenue un luxe au regard de l’état de nos ressources terrestres et un besoin ancré depuis si longtemps en nous que nous aurons d’autant plus de mal à nous en séparer. Space X, Hyperloop, Blue Origin, Virgin Galatics, Tesla, etc. vont tous expandre nos capacités de déambulation sur la terre et en dehors à un niveau encore jamais atteint, ils vont nous transporter à des vitesses supersoniques, nous permettre de dormir à Tokyo et de prendre le déjeuner à Paris, ils vont nous emmener quotidiennement sur la lune et nous permettre de nous installer sur mars. Au-delà du risque réel de banalisation de telles pratiques qui engendrera toujours plus de besoins de mobilité, le déplacement humain est devenu le premier poste de coût carbone de la terre. Alors peut-être qu’un jour nous serons si nombreux, nos routes si saturées, notre environnement bâti si dense, nos ressources si réduites, que nous n’aurons d’autre choix que de créer des espaces de virtualisation, des oasis d’espaces et des moyens virtuels de s’y déplacer sans surcoût. Peut-être n’aurons-nous plus le luxe de nous déplacer toujours plus vite et si souvent que pour nous retrouver, travailler et se divertir nous devrons quasi systématiquement le faire virtuellement.

Dans sa volonté de posséder les pouvoirs d’un Dieu, dans sa course à l’expansion, L’Homme a fini par prendre possession de l’ensemble des territoires, des matières et prit l’ascendant sur la totalité des espèces animales au point désormais de considérer que la Terre lui appartient. Après avoir tenté de la soumettre, il pense maintenant être en devoir de la changer mais perd tout contact avec elle par la même occasion. Notre rapport à la nature a changé, nous la voyons comme le maillon faible de notre écosystème, comme un fardeau peu enclin à supporter nos progrès et qui de surcroît désormais freine notre expansion par sa fragilité. Toute avancée technologique doit désormais composer avec ce « poids » biologique et organique au risque de ne plus pouvoir bientôt habiter cette Terre et d’engager notre espèce vers son extinction. Nous en sommes arrivés à dénigrer notre mère nature et nous ne la regardons désormais quasiment plus si ce n’est au travers d’écrans et d’interfaces numériques. D’êtres attachés à un territoire et sachant composer avec la nature pour la préserver, nous nous sommes désormais détachés d’elle pour finalement ne plus savoir comment co-exister avec elle.
La nature est actuellement en de mauvaises mains car même le courant de pensée le plus répandue, à savoir le capitalisme, la considère comme étant un élément nous détournant de nos envies de progrès et de nos besoins consuméristes, la nature étant par définition gratuite.
En France, Michel Serres et d’autres personnalités publiques incitaient déjà les gouvernements à signer un « contrat naturel » avec notre Terre qui ferait de la nature non plus un espace à envahir mais un sujet de droit et, chez l’Homme, réactiverait la valeur de la retenue, de la pudeur, de la modération, d’un plus grand sens de la justice dans la répartition des ressources.

Mais malgré une prise de conscience désormais quasiment généralisée, notre évolution nous met désormais maintenant nous-mêmes en danger d’extinction. Nous en sommes arrivés au point d’évoluer à contrario du principe essentiel de la vie à savoir que ce qui est vivant évite de se dégrader en un état de désordre et d’équilibre.

L’Homme partage les mêmes composants informationnels élémentaires que son univers, sa planète et les autres formes de vie qui la peuplent. L’Homme étant désormais l’espèce la plus puissante de sa planète, il a donc des devoirs envers cette dernière et les autres espèces, à minima celui de les préserver. Mais notre évolution se fait essentiellement au détriment de la Terre et de ses écosystèmes vivants que nous ne faisons que faire régresser ou exterminer. Notre soif d’expansion et de croissance économique est exponentielle, tout comme l’est notre impact sur notre écosystème. Nous aurons bientôt asséché l’ensemble des ressources de notre petite planète, au point que désormais nous commençons à nous y sentir à l’étroit.
Le point de non-retour étant déjà derrière nous, certains envisagent déjà de coloniser d’autres planètes. D’autres planètes que n’aurons de cesse de surexploiter pour répondre à nos besoins et exigences de performance et de confort sans cesse grandissants.
Le cerveau Humain est ainsi fait, il ne peut s’empêcher de prendre possession de son environnement, de vouloir le maîtriser dans ses moindres aspects. Il utilisera toujours tous les moyens et ressources à sa disposition pour connaître le plaisir d’alimenter son corps biologique, de croître sur ses semblables et son environnement.
« Nous sommes à la fois très intelligents mais nos motivations profondes ne sont pas forcément si intelligentes que ça. Nous sommes conscients que nous détruisons notre environnement mais nous n’agissons pratiquement pas, nous ne changeons pas fondamentalement nos comportements. Cette incohérence est elle-aussi liée à la zone profonde de notre cerveau, notre stratium. « [i]. Ce dernier, assoiffé de plaisirs archaïques, génère, comme nous l’avons vu de nombreuses addictions et nous pousse à la surconsommation exponentielle de ressources.
Notre terre n’est plus en mesure de soutenir l’expansion de nos besoins, elle devient bien trop limitée pour nous, nous vivons depuis plusieurs décennies à crédit, une Terre et demie par an, puis d’ici moins de dix ans, deux Terres. L’histoire de la Terre se souviendra de nous comme la première espèce à avoir été capable de générer elle-même une extinction de masse, la sixième.

Et à force de détruire notre environnement, nous restreignons par la même notre espace vital et notre réalité terrestre ne cesse alors de nous paraître toujours plus limitée. Nos capacités d’expansion cognitives et spatiales commencent à rencontrer l’obstacle de notre monde réel nous incitent toujours davantage à se servir du virtuel pour s’en émanciper.

Le réchauffement climatique pourrait nous amener dans un avenir malheureusement pas si lointain à vivre de manière bien plus sédentaire voir troglodytique. Les 50 à 60 degrés à l’ombre projetés en Europe centrale aux alentours de 2050 nous obligeront à vivre différemment.
Réalité virtuelle et projections visuelles de haute qualité pourraient s’avérer un être un palliatif bien utile pour s’évader d’un quotidien devenu anxiogène. Nos maisons et appartements disposeront de fenêtres potentiellement ouvertes chaque jour sur de nouveaux paysages, nous pourrions nous téléporter chaque week-end dans de nouvelles régions ou univers.
Dans cet avenir comprimé et saturé où nos corps biologiques seraient contraints à la sédentarité la plus extrême, le Virtuel constituerait un puisant palliatif, facile à déployer à l’échelle de l’humanité. Ainsi le Virtuel, au même titre que notre imaginaire, comporte une part de magie par sa capacité à nous transposer dans des espaces temps infinis, au centre de notre galaxie ou sur le sable blanc d’une île déserte, au temps des premiers hommes, pendant la révolution française ou dans le New York futuriste de 2150, aux côtés de Léonard lorsqu’il peignait sa Joconde, au sommet de l’Everest pour acheter la dernière paire de basket Nike ou consommer un Nespresso depuis l’ISS, jusque dans le lit d’une somptueuse créature pour assouvir nos fantasmes.

« Comment faire face à la surpopulation mondiale et au manque de ressources si la quasi-totalité des humains vivait plus de 100 ans ? La meilleure solution serait de transférer nos consciences vers un ordinateur. Ainsi, plus besoin d’eau et de nourriture, puisque seule une infime source d’énergie serait nécessaire pour nous maintenir en vie »[ii].

L’Homme comprend ainsi toujours plus profondément son univers réel, ses pouvoirs mais aussi ses limites, l’incitant à créer d’autres univers dans lesquels les contraintes seraient moins fortes et les potentialités décuplées.

[i] Sébastien Bohler, Docteur en Neurosciences – vidéo Youtube « Pourquoi notre cerveau nous pousserait à détruire la planète« , chaîne Brut, 27 février 2019

[ii] Article : « Voici à quoi ressemblera notre monde dans 1 000 ans » – Daily Geek Show

L’imaginaire, moteur d’augmentation de la réalité

L’imaginaire, moteur d’augmentation de la réalité

L’imaginaire, moteur d’augmentation de la réalité

Nos télescopes et microscopes ne cessent de repousser les limites de notre réalité observable dans l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Il n’en demeure pas moins que la grande majorité de nos découvertes demeurent impalpables, nous n’avons ni arpenté ni touché du doigt quasiment aucune de nos découvertes cosmologiques ou micro organique. Seule notre intelligence nous a permis de les découvrir, les considérer et les théoriser, et seul notre imaginaire nous permet de les explorer mentalement et de leur donner forme et couleur par la pensée. Rien ne prouve que tout cela existe réellement mais nos capacités d’analyse et de déduction ont rendus quasi palpables tous ces astres, galaxies, atomes, particules, énergies…

La puissance de notre imaginaire, c’est-à-dire notre faculté intellectuelle à imaginer, à concevoir d’autres formes de réalité, est l’une des principales caractéristiques de l’espèce humaine et de ses capacités cognitives. Notre cerveau est habitué à imaginer et à croire en de multiples illusions et notions virtuelles. Notre capacité d’imagination dépend en grande partie de notre vécu, de nos ambitions et de nos peurs, des facteurs environnementaux, de nos rencontres.

Mais cet imaginaire est-il virtuel ? L’imaginaire semble être un monde entre les deux, c’est-à-dire enraciné profondément dans le réel, avec une capacité de virtualisation qui semble infinie. L’« imaginaire » peut être défini comme le fruit de l’imagination d’un individu, d’un groupe ou d’une société, produisant des images, des représentations, des récits ou des mythes plus ou moins détachés de ce qu’il est d’usage de définir comme la réalité.[i]

Notre imaginaire est en quelque sorte notre premier moteur biologique de digitalisation et de virtualisation de nos émotions et idées, jusqu’à parfois les rendre quasi réelles à nos yeux. L’imaginaire, c’est la toute-puissance de l’Homme sur les éléments et ses semblables, la faculté à faire abstraction du réel ou à le voir différemment pour le façonner à sa guise, construire des nouveaux mondes parallèles, des mythes et des légendes.

Au fil de son évolution, l’Homme n’a cessé de s’étendre sur la surface de la terre mais il s’est également aperçu qu’en fusionnant les intelligences et actions humaines il pourrait alors croître encore plus rapidement pour repousser sans cesse les frontières de sa conscience et de sa puissance sur son environnement. Son imaginaire a alors grandement participé à créer des vecteurs de cohésion sociétales et de mutualisation des ressources, appelées religions, états, société ou argent.

« Nous pouvons, si nous le désirons, nous unir et former un groupe ayant pour base l’affinité de nos expériences illusoires »[ii].

« Alors que l’évolution humaine suivait son cours d’escargot habituel, l’imaginaire construisait de stupéfiants réseaux de coopération de masse tels qu’on n’en avait encore jamais vu sur terre »[iii].

L’humanité, d’abord somme d’intelligences, d’imaginaires et de consciences fragmentés est aujourd’hui en passe de devenir – et ce malgré le renfermement espérons provisoire de certaines nations – une seule et même intelligence, une unique force de conscience et d’intelligence partagée, espérons une unique entité responsable de sa planète. Nos nouvelles technologies et nos réseaux de communication, avec en premier lieu internet, font désormais de nous une espèce capable d’asseoir sa civilisation moderne sur un socle de mutualisation des compétences, des savoirs et des actions pour ainsi progresser encore plus vite.

L’imaginaire est aussi notre outil de simulation le plus poussé. Couplé à l’intelligence et l’instinct il a ainsi permis à certains grands Hommes de notre histoire tels, par exemple, des Stephen Hawking ou Albert Einstein, etc. d’élever leur niveau de conscience à un seuil quasi infini, leur permettant de parcourir l’univers sans fusées, de le comprendre sans télescope, d’y tester des théories sans simulateur, d’en extraire certaines pans de l’algorithme élémentaire de l’univers comme la relativité générale, la physique quantique, les trous noirs, jusqu’à matérialiser la matière virtuelle, etc.

L’imaginaire est ce qui a servi à ces grands scientifiques de différencier leur approche de la physique, des mathématiques, etc. pour finalement découvrir et résoudre les plus remarquables théories de l’univers. Ils réalisaient leurs expériences de pensées, appelées « gedanken », par la seule force de l’imaginaire. Ils y travaillaient des idées et y calculaient des équations qui leur permirent entre autres de prouver leurs théories. On dit ainsi de ces équations qu’elles constituent l’un des exemples les plus créatifs du pouvoir de la pensée abstraite absolue. Le plus récent et l’un des plus impressionnants de tous est sans aucun doute Stephen Hawking qui, enfermé dans son corps biologique, parvenait à développer l’ensemble de ses théories, simulations et calculs par la seule force de ses pensées et de son intuition. La puissance de ses images mentales dépassait de loin les méthodes de calcul traditionnelles, avec une forme de créativité quasi artistique, il regardait les problèmes par d’autres biais, d’autres prismes. Seul son imaginaire avait la capacité de l’emmener aussi loin et aussi vite. Par la seule force de ses pensées, il surpassait ses concurrents armés de stylos et d’ordinateurs.
« Il a entraîné son esprit au fur et à mesure à penser de manière différente des autres physiciens. Il réfléchit en utilisant de nouveaux types de représentations mentales intuitives et d’équations mentales ayant remplacé, chez lui, les dessins réalisés à la main et les équations écrites »[iv].

Récemment la NASA prenait la première photo d’un trou noir. Mais au-delà de la prouesse technologique et scientifique, nos yeux ne discernent qu’un point noir entouré d’un halo lumineux. Pour le moment seule notre intelligence nous permet de voir plus loin, d’imaginer l’invisible. En regardant cette photo, Stephen Hawking, par exemple, n’y aurait pas vu qu’un trou noir, ses facultés cognitives et son niveau de conscience lui auraient permis de discerner dans cette masse sombre, des paires de particules virtuelles chargées d’énergie positive et négative, des particules et antiparticules. L’imaginaire est donc capable de voir sous le seuil de la réalité observable et il y a fort à parier qu’il ait raison.

Mais pour la plupart d’entre nous qui ne pouvons exploiter l’imaginaire et l’intelligence à leur plein potentiel, le développement des technologies numériques, des IA et de la virtualisation deviennent des moyens efficaces d’amplifier nos capacités cognitives et de matérialiser nos pensées, en nous donnant la faculté de construire nous-même nos propres mondes et de nous y projeter, mais aussi et surtout de partager très efficacement au plus grand monde.

Désormais, et c’est très récent à l’échelle de notre évolution, nos nouvelles technologies se couplent à notre imaginaire pour nous permettre de lui donner vie, de le rendre quasiment réel, nous permettre de modéliser virtuellement les mondes que nos imaginons pour leur donner une matière quasiment palpable. C’est bien l’imaginaire des créateurs / développeurs qui façonnent actuellement les mondes virtuels, donnant ainsi au virtuel un caractère profondément réel. « Repoussez les limites de votre imagination » Publicité Samsung Gear VR. Les mondes virtuels deviennent ainsi si réels que le virtuel semble rattraper de plus en plus les capacités de l’imaginaire, ce dernier étant également de plus en plus contraint par le réel.

En effet, nos quotidiens humains faits de multiples sollicitations et pollutions sensorielles brident nos capacités d’imaginaire. Nos cerveaux sans cesse sollicités et nourris par une multiplicité de contenus ne semblent jamais en repos, soumis à des stimulis de plus en plus fréquents et envahissants. Bruits, mails, notifications de smartphone, appels, agendas surchargés, etc. environnent notre réalité et cloisonnent notre imaginaire à des plages de temps toujours plus réduits.

Ainsi, l’imaginaire, notre seul monde restant entre le réel et le digital, se comprime et laisse libre ces derniers de se mélanger.  Nous nous retrouvons dans une situation de « veartual », mélange de real (réel) et de virtual (virtuel), entre deux mondes qui semblent aujourd’hui se faire face ou tenter de ne faire qu’un.

[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/Imaginaire

[ii] Green, A. (2005), ibid. ; p. 30.

[iii] Homo Sapiens – Yuval Noha Harari

[iv] Stephen Hawking en images – J.PMcEvoy et Oscar Zarate – edp sciences

Homo Data vit-il dans une simulation ?

Homo Data vit-il dans une simulation ?

Homo Data vit-il dans une simulation ?

Réalité et de virtuel s’imbriquent dans nos pensées depuis bien longtemps. Platon déjà, en esquissait les contours avec la théorie de la caverne. Il avançait l’idée que des prisonniers enchaînés dans une caverne depuis leur naissance, ne pouvant ni se regarder ni regarder ailleurs que vers le mur devant eux et ne percevant que les ombres projetées d’un feu situé derrière eux percevraient ces dernières comme leur réalité. N’ayant jamais rien vu ni entendu d’autres choses que ces ombres et les crépitements du feu, n’ayant jamais vu de personne réelle ou n’ayant jamais eu d’interaction humaine, ils ne pourraient pas s’imaginer un monde extérieur, voire même un monde tout court. Mais si l’un des prisonniers d’échappait et sortait de la caverne, il serait alors si apeuré et confus par ce qu’il verrait, qu’il choisirait de retourner dans le confort de la cave, sa propre réalité.

De même, au IVeme siècle avant J.C, le philosophe Chinois Tchouang-Tseu comparait sa propre existence à un rêve dans lequel il croyait être un papillon. Il remettait déjà en question la distinction entre rêve et réalité si les deux pouvaient sembler tout aussi réels l’une que l’autre.

« Toute évidence que nous avons pourrait être simulée »[i].

« Nous créons et percevons notre monde simultanément et notre esprit s’en sort si bien que nous ne nous en rendons même pas compte »[ii].

Se pourrait-il que nous ne soyons pas des créateurs de mondes virtuels mais des créations ? Que nous ne soyons pas réels sans le savoir ? Mais alors, « Comment savoir que nous ne vivons pas déjà dans une matrice ? L’une des réponses serait ; essayer de détecter la présence de code dans les lois qui décrivent la physique »[iii]Et il s’avère qu’en creusant toujours plus profondément la composition mathématique de la théorie des cordes qui sous-tend l’univers, le tissu du cosmos, on y découvre du code informatique. Certes, une forme particulière de code informatique déjà révélé par le scientifique Claude Shannon dès les années 1940. « Ce lien insoupçonné suggère que ces codes sont omniprésents et pourraient même être ancrés dans l’essence de la réalité. Si tel est le cas, nous pourrions avoir quelque chose en commun avec les films de science-fiction tels que Matrix, qui représentent un monde où toute l’expérience de l’être humain est le produit d’un réseau informatique générateur de réalité virtuelle »[iv].

Les mathématiques sont une invention humaine pour décrire notre monde et l’anticiper. Découvrir du code informatique dans les lois qui sous-tendent l’univers ne signifie pas nécessairement que nous vivons dans une matrice mais davantage que nous sommes nous-même constitués d’une forme de résurgence de code mathématique.
Nous ne sommes pas nécessairement des marionnettes dans une salle de spectacle mais davantage une espèce constituée d’une longue évolution programmatique d’un univers digital par essence. Une espèce qui, si elle peut atteindre un tel niveau de conscience, doit donc être capable de devenir totalement maître de son environnement et de générer elle-même des simulations de mondes lui permettant de se répandre dans d’autres dimensions, pour fuir sa réalité ou bien pour progresser plus vite afin de sauver cette dernière.

Aujourd’hui, l’humanité a déjà mis un pied dans l’ère de la simulation virtuelle, elle commence à devenir capable de recréer des mondes réalistes et à s’y immerger en masse.
En moins d’un demi-siècle les jeux vidéo et simulations virtuelles sont ainsi passés du stade de quelques pixels sur un écran à des simulations 3D ultra détaillés en réalité virtuelle d’un réalisme et d’une capacité d’immersion sans cesse plus poussés. Les technologies de calcul graphique continuant d’évoluer dans cesse, il nous sera bientôt possible de simuler entièrement la réalité. Les ordinateurs seront bientôt capables de générer des univers complets et photoréalistes, il leur sera aussi possible de simuler l’intelligence voir de prendre conscience d’eux-mêmes.

A l’échelle des 13,7 milliards d’années d’évolution de l’univers, notre demi-siècle d’évolution technologique fulgurante vers la virtualisation ne représente qu’une infime partie d’un battement de cils. Et à l’échelle de l’univers et de ses millions de milliards de planètes habitables, nous pourrions très probablement ne pas être les premiers à avoir atteint le niveau de conscience, d’intelligence et de technologie permettant de se dématérialiser. Et, statistiquement, nous pourrions même être nous-même déjà le fruit d’une simulation. D’autres espèces dans l’univers ont possiblement atteint les capacités technologiques leur permettant de créer des simulations d’univers complets. Certaines ont peut-être déjà choisi de s’y dématérialiser complètement, de devenir entièrement digitales. Au point peut-être d’avoir alors continué à créer des simulations au sein de la simulation originelle, engendrant alors un phénomène de ruissellement de mondes virtuels imbriqués, altérant par la même la notion de réalité.

Déjà, à mesure que les technologies progressent, que les expériences virtuelles deviennent de plus en plus immersives et que les personnages digitaux interagissent avec nous, en apparence de leur propre gré, notre compréhension de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas commence à devenir flou.

Réel et virtuel s’imbriquent déjà au sein des technologies de Réalité Augmentée (AR) et de Réalité Mixte. Les informations virtuelles se juxtaposent au réel pour optimiser nos déplacements, faciliter nos tâches, amplifier notre apprentissage. Cet état d’imbrication des supposés contraires réel et virtuel était nommé paradoxalement « réalité intégrale » par le philosophe Jean Baudrillard[v].

A notre échelle, nous ne voyons pas les éléments microscopiques qui composent notre monde, exactement comme nous ne voyons pas le code source de nos simulations virtuelles et de nos jeux vidéo. Peut-être croyons-nous notre monde fait de choses physiques alors même qu’il n’est qu’un ensemble de formes et interactions artificiellement programmées. Quelqu’un doit venir vous rendre visite, vous ne le voyez pas partir et à un moment il est là. Peut-être n’est-ce alors que votre conscience qui construit votre réalité ? Cette théorie s’appelle le « Monde Gestalt », une structure ou une configuration de détails qui, ensembles, impliquent l’existence d’un monde, une hypothèse de la manière dont les choses doivent se comporter pour permettre à la simulation de fonctionner.

« Il me semble que les chances qu’on soit dans la réalité initiale sont de 1 sur des milliards »[vi] avance Elon Musk.

Lorsqu’aucune simulation n’existe, il y a 0% chance d’y être puis dès qu’une première apparaît alors les chances montent à 50%.
Avec des simulations imbriquées possiblement indéfiniment, le pourcentage de chance de ne pas être dans une simulation devient minime. Il se pourrait donc que des civilisations extrêmement avancées aient déjà quitté notre univers pour se répandre dans une infinité d’autres dimensions, une infinité d’autres univers digitaux. Au point que pour ces espèces évoluées toutes les simulations virtuelles deviennent autant de réalités tangibles.
Cette loi de l’imbrication énoncée par Nick Bostrom démontre que l’univers que nous qualifions de réel devient alors statistiquement un seul parmi une multitude pour au final possiblement perdre son statut réel[vii].

L’évolution rapide des technologies de virtualisation proposant des mondes de plus en plus réalistes, nous amène à penser qu’un jour peut-être nous ne distinguerons plus la réalité de la simulation. Et un jour peut être que la majorité d’entre nous vivra sa vie en ligne, connecté à des multiverses virtuels, et que finalement nous aurons abandonné le réel, ne voyant plus d’intérêt à y rester. Un jour peut-être que ces multiples mondes dans lesquels nous travaillerons, nous amuseront, croisons nos amis seront si développés et si amusant à « vivre » que nous aurons perdu tout intérêt pour notre réalité première.

[i] David Chalmers, professeur de l’Université de New York

[ii] Dialogue de Léonard Di Caprio dans le film Inception

[iii] Dr James Gates Jr.

[iv] Dr James Gates Jr.

[v] Simulacres et simulation – Jean Baudrillard – édition Galilée – 1981

[vi] Elon Musk, TED conference

[vii] Are you living in a computer simulation ? Nick Bostrom

Notre conscience fabrique le reel

Notre conscience fabrique le reel

Notre conscience fabrique le reel

Les termes réalité et réel sont indissociables, ils insistent sur l’idée d’une existence effective et « incontestable » qui existerait indépendamment de nous, une réalité persistante même lorsque nous disparaissons. Les capacités de notre subconscient, de notre imaginaire, nos dernières découvertes scientifiques ou les nouvelles interfaces de virtualisation trompant toujours davantage nos sens, cette sensation de réalité perd toujours davantage son statut « incontestable ».

La réalité nous apparaît à première vue extérieure à nous, comme existant indépendamment à notre observation. La matière a l’air parfaitement solide et l’existence du monde physique semble régi par des lois et des forces en dehors de notre contrôle. Nous sommes convaincus de percevoir, ressentir et toucher un environnement matériel distinct de nous, un monde persistant et autonome. Mais comment pouvons-nous être vraiment sûrs que la réalité pourrait exister indépendamment de son observation ?

Certains physiciens ont émis l’hypothèse que notre Univers n’existerait pas dans l’espace et dans le temps sous forme de particules matérielles sans la présence d’observateurs. Cela sous-entendrait que, les yeux fermés et avec l’ensemble de nos sens totalement au repos, nous ne serions environnés que de fonctions d’ondes immatérielles et que, dès la réactivation de nos sens, ces ondes prendraient formes physiques et énergétiques. L’Homme, résultante de l’Univers Data, serait alors le créateur de sa propre réalité.

Mais l’Univers existant depuis 14 milliards d’années, ce dernier ne devrait-il pas nous avoir attendu pour se matérialiser ? Pour tenter de le comprendre, il faut descendre à l’échelle Quantique. Le bon sens qui voudrait que les objets existent de manière objective, indépendamment de notre observation, devient obsolète lorsque l’on considère la physique quantique[i]. Le physicien danois Niel Bohr nous interpellait ainsi : « Si la mécanique quantique ne vous a pas encore profondément choqué, alors vous ne l’avez pas encore comprise. Tout ce que nous appelons réel est fait de choses qui ne peuvent pas être considérées comme étant réelles ».

En 1927, John Wheeler, physicien théoricien américain démontrait que l’observation influait sur le passé des objets quantiques. En d’autres termes, nous aurions alors le pouvoir en tant qu’observateurs de les définir depuis leur création. Ce qui aurait alors provoqué l’apparition de l’univers sous forme de matière solide plutôt que sous forme d’ondes ou d’énergies serait peut-être le fait qu’il y aurait plus tard des systèmes collecteurs d’informations tels que les êtres humains. C’est ainsi que les physiciens en sont venus à redouter le « problème de la mesure », c’est à dire que la matière n’existe que si on la mesure. Exemple, un atome n’apparaît à un endroit précis que lorsqu’on le mesure, en d’autres termes, un atome est disséminé à un endroit jusqu’à ce qu’un individu dit « conscient » décide de l’observer. Par conséquent, l’acte de mesure où d’observation créé l’univers. L’acte d’un observateur conscient créé donc l’existence des objets physiques et de leurs propriétés associées. La probabilité quantique n’est pas l’endroit probable où est l’atome. C’est la probabilité de trouver l’atome à un endroit particulier. Autrement dit l’atome n’était pas quelque part avant qu’il soit observé étant là[ii].

« Il n’y a pas de réalité objective au-delà de ce que nous observons »[iii]Nous, les humains, sommes encore incapables de connaître la vraie nature de l’univers. Nos sens et notre cerveau ne peuvent distinguer qu’une fraction du monde. Nous sommes donc obligés de nous servir de notions et d’outils pour tenter de comprendre la vraie nature de la réalité. Les progrès technologiques ont déjà considérablement élargi nos connaissances sur l’univers et notre seuil de réalité observable tout en nous révélant que notre conscience de la réalité pouvait être seulement subjective.

« Toutes les choses que appelons réelles sont faites de faites de choses qui ne peuvent pas être considérées comme réelles »[iv].
« Les atomes ou particules élémentaires elles-mêmes ne sont pas réelles, elles forment un monde de potentialités ou possibilités plutôt que des choses ou des faits »[v].

Mais alors, si notre conscience des êtres vivants qui observent leur environnement est capable de transformer les ondes quantiques en matière palpable, respirable, audible et visible, ne peut-on alors pas considérer que notre conscience, nos désirs et nos intentions peuvent influer sur l’environnement matériel autour de nous ? Ne peut-on pas également considérer que l’humain pourrait s’éveiller à d’autres réalités créés par lui-même si il parvenait à recréer des formes d’ondes quantiques élémentaires sous forme numérique par exemple ? L’Homme ne pourrait-il pas un jour devenir capable de créer ses propres univers, d’autres formes de réalités moins contraintes que celle dans laquelle il vit ?
La conscience de l’Homme serait, à son échelle, si puissante, qu’elle serait capable de donner matière et existence à l’immense océan d’ondes de données qui l’entoure, d’en faire sa propre réalité. L’Homme serait donc logiquement en mesure de donner matière et consistance à d’autres fonctions d’ondes dont certaines pourraient être artificielles, des ondes de données qu’il aurait lui-même créé et dont certaines pourraient être numériques, créés par l’Homme.

« La conscience est ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Sans conscience, rien dans nos vies n’aurait de sens ou de valeur. Mais en même temps c’est aussi le phénomène le plus mystérieux de tout l’univers. »[vi]

Ce qui nous donne cette impression de réalité permanente c’est que notre corps n’est jamais complètement déconnecté, nos sens sont quasiment tout le temps en éveil et ressentent cette matière qu’ils participent à créer. Mais dès que nous nous endormons, dès que notre conscience fait place au subconscient et libère totalement notre imaginaire, nous déconnectons alors nos cinq sens et retrouvons un état de conscience mêlé aux ondes de l’univers qui rend alors notre cerveau capable de créer ses propres mondes.
Les phénomènes inexpliquées qui nous font sourire, tels que la prémonition, les transmissions de pensées, etc. pourraient n’être finalement que des phénomènes physiques dont les lois nous échappent encore, ils pourraient n’être simplement que des ondes de conscience transmises au travers de cet océan d’informations en mouvement.

« Je considère la matière comme dérivant de la conscience. Nous ne pouvons aller au-delà de la conscience. Tout ce dont nous parlons, tout ce que nous voyons comme existant, suppose la conscience »[vii].

« L’étude du monde objectif nous mène à la conclusion scientifique que le contenu de la conscience est l’ultime réalité »[viii].
Seule notre conscience construirait notre réalité. Mais alors, si nous réussissons à tromper cette dernière par la virtualisation, pouvons-nous gagner le pouvoir de créer d’autres réalités tangibles ? Les puissances de calculs et de virtualisation évoluant sans cesse, ces dernières parviennent à tromper nos sens au point que nous sommes amenés à penser que notre réalité pourrait elle-même être simulée ou que nous pourrions en créer d’autres tout aussi réalistes.

Une espèce consciente telle que la nôtre habituée à admettre sans cesse de nouveaux paramètres de réalités et désormais capable de créer des propres réalités parallèles grâce à ses technologies de virtualisation a ainsi toutes les chances de pouvoir s’y immerger, voir s’y transposer.

Nous naissons dans un monde qui induit que la réalité était là avant nous et qu’elle nous survivra, qu’elle est indépendante de nous. Mais chaque être humain, par ses idéaux, ses rêves, ses ambitions, ses choix a, depuis les origines, façonné le monde dans lequel nous vivons tous ensemble. Par son intelligence biologique et collective, l’Homme est la seule espèce connue à avoir le pouvoir de planifier son avenir. Si nous venions à trouver la solution de remonter dans le temps, nous constaterions que changer un infime paramètre de l’équation de nos choix additionnés sur des milliers d’années n’aboutirait pas à la même société qu’aujourd’hui, ni même aux mêmes individus. Nous sommes tous maîtres de notre destin et la puissance de nos imaginaires communs nous a donné énormément de pouvoirs sur notre environnement et nos semblables. Cet imaginaire a façonné des idées et concepts si forts et si partagés qu’ils semblent désormais réels pour la plupart d’entre nous. Etats, frontières, religions, lois, modèles économiques, entreprises, fruits de ce puissant imaginaire collectif ont permis à l’Homme de conquérir son monde et de vivre en communautés élargies toujours plus puissantes et créatrices de valeurs et de richesses. Mais, en contrepartie, tous ces idéaux et idées impalpables ont engendré un nombre désormais exponentiel de carcans mentaux, de normes, de convictions, de conventions, de territoires cognitifs qui finissent désormais de contraindre notre réalité première et possiblement de nuire à notre faculté d’expansion.

Là encore tous immergés dans une seule réalité qui semble partagée, la tentation de créer nos propres mondes régis par nos propres règles ne cesse de croitre.

[i] Niels Bohr, physicien Danois, 1922

[ii] Alain Aspect , physicien, 1982

[iii] Vidéo : « l’illusion de la réalité, la matière n’existe pas sans conscience »

[iv] Niels Bohr

[v] Werner Heisenberg, Nobel de physique allemand, 1932

[vi] David Chalmers – Comment expliquer la conscience ? – conférence TED 2014

[vii] Max Planck, physicien allemand, Nobel de physique, 1918

[viii] Eugène Wigner, physicien hongrois, Nobel de physique 1963

Realite relative

Realite relative

Realite relative

Au quotidien le réel nous entoure, il impacte nos cinq sens et nous interagissons avec lui à chaque instant. Il est tout ce qui structure le monde à nos yeux, nos semblables et l’ensemble des êtres vivants, la matière qu’on touche de la main, les rayonnements infrarouges que nous captons avec nos radios, la lumière qui ampli nos rétines ou réchauffe notre peau, la gravité qui nous maintien au sol et restreint nos déplacements.

On l’appelle « réalité matérielle » ou « réalité externe ».

La réalité c’est aussi et surtout, pour chacun d’entre nous, des émotions et sensations ressenties au plus profond de nous qui nous impactent directement ou indirectement. Des rêves, des fantasmes inconscients, des pulsions, des peurs, des tristesses et joies personnelles, l’amour, la haine, le bonheur, nos conflits intérieurs désir/défense, plaisir/déplaisir, etc. Toutes ces sensations qui construisent aussi notre réalité quotidienne, une réalité en chacun de nous, qualifiée d’ « interne » ou de « réalité psychique »[i].

Notre réalité humaine est en fait l’addition de réalités externes et internes, palpables et ressenties, unique et partagée. Ensemble, les Hommes se distinguent des autres espèces par leur capacité à partager une « psyché de groupe », c’est-à-dire des communautés d’idéaux, de pensées ou de fantasmes communs qui forment une « réalité partagée »[ii] entre groupes d’individus, familles ou institutions, tels que peuvent l’être les croyants d’une même religion, les habitants d’un même pays ou encore les membres d’un même parti politique.

La réalité c’est aussi énormément de choses impalpables ou invisibles, les composants de l’infiniment grand et de l’infiniment petit tels que les trous noirs, la matière noire, les photons, les atomes, etc. qui, lorsque notre intelligence, notre science et nos technologies les détectent, viennent élargir le champ de notre réalité, repousser le seuil de notre « réalité observable », amplifier notre conscience de l’univers.

Actuellement, au maximum de notre capacité technologique et de conscience, notre univers observable s’étend, dans l’infiniment grand, sur un diamètre de 90.000.000 d’années lumières, c’est-à-dire sur un volume d’environ 100 milliards de galaxies contenant chacune entre 100 et 1000 milliards d’étoiles. Du côté de l’infiniment petit, notre seuil observable s’arrête pour le moment aux particules élémentaires, c’est-à-dire à 10—19 m et nous anticipons grâce à Stephen Hawking la notion de Particules virtuelles en-dessous de la réalité observable. Des particules que notre œil ne peut bien entendu pas voir mais que même la lumière ne détecte pas, ce qui en fait de pures suppositions scientifiques. Chaque découverte élargit notre champ de conscience mais dévoile aussi toujours plus de parts d’infinies et d’inconnues. 500 ans avant Jésus Christ, Empédocle avait déjà mis le doigt sur cette vérité universelle : « la perception humaine est effroyablement limitée, nous pensons voir un tout alors que nous ne voyons qu’une fraction »[iii].

L’Homme se caractérise ainsi par cette capacité à considérer comme réel des choses qu’il n’a jamais vus ou seulement appréhendé par déduction, calcul ou émotion, c’est la toute-puissance de notre intelligence, de notre imaginaire et de notre conscience qui ne donnent aucune limite à l’étendue de la réalité que nous repoussons tous les jours ensemble. Notre réalité est extensible, notre conscience y accepte sans cesse de nouveaux composants, de nouvelles théories. Mais si nous sommes déjà aptes à intégrer de nouveaux paramètres à notre réalité, celle-ci est-elle si immuable qu’elle en a l’air ?  Si cette dernière est extensible, elle pourrait très bien aussi être imbriquée dans d’autres ou bien être multiple, voire juxtaposée ou croisée à autre chose, être dynamique ou encore éphémère. Ce qui est certain c’est que notre intelligence et notre conscience vont continuer de croitre pour repousser notre seuil de réalité observable et acceptable.

La Réalité pourrait elle-même ne pas être en opposition systématique avec le Virtuel. Réalités imbriquées et Virtuels multiples pourraient coexister. Ces perspectives théoriques amènent notre conscience à s’ouvrir à des conceptions de vies et de réalités sans frontières, avec des répercussions sur le regard éthique que nous posons sur nous-mêmes et l’univers qui nous abrite et qui nous a construit. Une multiplicité de positions philosophiques de la réalité coexistent, que les philosophes tentent de classifier depuis des siècles en théories plus ou moins distinctes et imbriquées. La réalité n’est pas une science exacte elle nous questionne.

De Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, théoricien du réalisme modéré à Karl Popper au XXe siècle, de véritables courants théoriques sont apparus. Réalismes métaphysiques, scientifiques ou éthiques, à l’antiréalisme en passant par l’irréalisme ou l’hyper réalité. Le réalisme philosophique défini ainsi une conception selon laquelle il existe un monde indépendant du sujet qui en prend connaissance. Il s’oppose à l’antiréalisme et à l’irréalisme. Le réalisme scientifique, quant à lui, est la position métaphysique selon laquelle le monde décrit par la science est le monde « réel » existant indépendamment de nos représentations. Le réalisme naïf, de son côté, est la conception commune et spontanée que nous avons de la réalité de ce que nous percevons. Spontanément, nous pensons qu’il existe un « monde extérieur » et que nous percevons ce monde extérieur. Notre réalité est relative, et nous, humains nous éveillons sans cesse à de nouvelles forme de réalités.

L’arrivée du virtuel induit de nouvelles formes de perception du réel, de nouvelles imbrications déjà traduites par les réalités augmentées, mixtes ou virtuelles. La réalité augmentée s’inscrit dans le réel tout en y affichant des informations virtuelles et la réalité mixte… La réalité virtuelle déconnecte du réel pour nous immerger dans d’autres mondes. La réalité virtualisée quant à elle pourrait proposer une copie de notre univers réel actuel, conforme en tous points et évoluant simultanément, de manière synchrone.

À partir des années 1980, cet adjectif virtuel est aussi utilisé pour désigner ce qui se passe dans un ordinateur ou sur Internet, c’est-à-dire dans un « monde numérique » par opposition au « monde physique ». Néanmoins, tout comme « immatériel » ou « dématérialisé », cet adjectif est trompeur, car les infrastructures du réseau internet et les serveurs des centres de données qui exécutent les requêtes lancées depuis des ordinateurs personnels ou des smartphones sont bien matériels, et consomment beaucoup d’électricité (voir la section « Impact écologique de l’infrastructure » de l’article Internet). Ainsi, tout ce qui transite sur le réseau internet (streaming, réseaux sociaux, GPS, courriels, consultations et mises à jour de sites internet…) a un impact plus ou moins important sur l’environnement à travers la consommation d’électricité des centres de données, qui est souvent produite dans des centrales thermiques qui brûlent des combustibles fossiles, et qui donc émettent des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.

La notion de numérique, de digital est très souvent associée à celle de « virtuel ». Le mot virtuel s’emploie souvent pour signifier l’absence d’existence, pour désigner le contraire du réel, du palpable. Il peut signifier une forme de réalité parallèle numérique impalpable avec un côté très péjoratif pour nous humains, il évoque une non consistance, un état qui, parce qu’il est le contraire du réel, est catalogué de dangereux, sans intérêt, qui ne peut pas remplir le rôle de lieu de vie permanent.

Le digital n’est pas virtuel !

Ainsi, parce qu’elle ne cesse de s’élargir et de s’ouvrir à notre conscience, la réalité nous questionne. La multiplicité des consciences humaines multiplie-t-elle d’autant les interprétations du réel ? Chaque être humain ou espèce vivante vit-il sa propre réalité ? Pourrait-on alors en déduire qu’il existe plusieurs réalités, plusieurs vies possibles ? La multiplicité des mondes virtuels que nous créons et expérimentons réduisent-ils notre réalité à un simple monde parmi tant d’autres ?

Autant de questionnements sur notre réel qui révèlent les capacités sans limites de notre imaginaire, la faculté d’éveil de notre conscience et la capacité de l’Homme à se construire ses propres réalités.

[i] S. Freud, 1900, G.-W., II-III, 625

[ii] La réalité psychique du lien – René Kaës – Dans Le Divan familial 2009/1 (N° 22)

[iii] Empédocle, philosophe, poète, ingénieur et médecin grec de Sicile, 495-435 av J.C