Virtuel as a Service

Virtuel as a Service

Virtuel as a Service

Le Jeux vidéo est encore au stade de produit de consommation, il pourrait devenir générateurs d’univers parallèles (metaverse), un catalogue de mondes à la demande. L’industrie du Jeux vidéo et du divertissement est pour le moment la mieux placée dans la course à l’institution qui créera nos futurs mondes de réalités alternatives, les fameux metaverses. Ce secteur est l’un des plus porteurs en terme de perspectives d’emplois, il développe les technologies de virtualisation les plus avancées, il réunit toutes les formes d’arts et remporte l’adhésion et l’écoute de 95% des nouvelles générations. C’est une industrie désormais mature qui saura franchir le pas du seul divertissement pour créer des mondes virtuels réalistes. Le jeux vidéo commence déjà depuis plus de 10 ans à proposer des mondes persistants et évolutifs, tels les MMORPG associés à de nouveau modèles de financement tels que le game as a service. Mais le jeux vidéo ne propose encore que des mondes de divertissement, pas encore des mondes dans lesquels il est ou sera possible d’y fonder sa vie personnelle, sociale et ou professionnelle. A terme, des sociétés comme telles que les GAFA, à cheval entre le cloud, l’OS et le gaming pourraient détenir la clé de la création de mondes adaptés à la virtualisation de notre espèce.

Depuis que Ralph Baer a détourné un radar militaire pour en faire le premier jeu vidéo de l’histoire, l’être humain est devenu un concepteur de mondes virtuels et ce média est devenu le bien culturel le plus rentable de l’histoire, désormais loin devant le cinéma d’Hollywood. Les sociétés de développement de jeux vidéo sont désormais devenues des méga corporations, des hyper-industries générant des progrès technologiques considérables qui innervent tous les autres secteurs d’activités pour un jour peut-être parvenir à les gamifier.
Ces fabriques de mondes virtuels sont désormais bien plus rentables que le cinéma, leurs mondes s’inscrivent partout, dans nos écrans, dans nos bibliothèques sous forme de figurines, de livres, et même de portages au cinéma. Ces mondes virtuels fictifs sont à la portée du plus grand nombre et partout dans le monde, tous les autres médias en deviennent des sources d’inspiration (portages de livres tels que The Witcher ou Metro 2033) mais aussi des véhicules (Warcraft au cinéma, etc.). Les œuvres, quelles que soient leur terreau de départ sont désormais portées sur une multiplicité de formats apportant des expériences parfois contradictoires parfois complémentaires. Les multiples médias deviennent un seul grand média, un immense monde de contenu et d’univers à arpenter, découvrir, lire, écouter, regarder. Avec désormais la capacité de le faire ensemble, à plusieurs. Le jeu vidéo est devenu un média total, graphique, musical, scénographique, etc. qui rassemble toutes les formes d’art, il est devenu le média le plus apte à créer des mondes virtuels. Mais tant que nous l’appellerons jeux vidéo, les gens ne continueront à le voir que sous son versant purement ludique et récréatif dédié à des publics qualifiés de peu matures. Le mot Jeu vidéo est de moins en moins adapté et donne une image réductrice de son véritable potentiel et des expériences qu’il propose.

Les différences entre les types d’expériences ludiques, c’est à dire les médias de divertissement culturel (cinématographiques, vidéo ludiques, livres, musicaux) tendent progressivement à s’estomper. Les livres deviennent numériques et audio, certains sont transposés en films et en jeux pour en faciliter et étendre les accès, les jeux vidéo font penser à des films interactifs, les films inversement deviennent interactifs (exemple de bundersnatch sur Netflix). Les auteurs, écrivains, cinéastes, compositeurs, etc. ne créent plus dans l’optique d’un seul format média, livre ou film ou jeu ou disque, non désormais ils créent et composent avec l’idée d’une transposition bien plus large de leurs œuvres sur une multiplicité de médias. Auteurs et compositeurs deviennent des créateurs de “mondes imaginaires” ayant le potentiel d’être transposés sur une multiplicité de supports virtuels, accessibles instantanément partout dans le monde et auprès d’un public bien plus vaste.

Les technologies numériques donnent ainsi le don d’ubiquité à nos médias qui nous suivent partout. De même les moyens d’accès aux médias tendent eux-aussi à s’uniformiser via des AppStores. Films, jeux, livres, musiques s’achètent et se consomment via des stores en lignes uniques, des méta portails de contenus. Mais cette multiplicité de canaux de distribution, cette multiplicité de contenus du fait de la facilité sans cesse grandissante pour chacun d’entre nous de créer des histoires univers, génère de tels volumes qu’il devient de plus en plus difficile pour les créateurs de sortir du lot et pour les publics de plus en plus difficile d’y consacrer du temps ou de s’y plonger. Notre temps libre devient un bien de consommation, notre concentration quant à elle ne cesse de décroître.

L’autre phénomène est que les différences d’interfaces de lecture et d’immersion dans les médias s’estompent entre les médias de divertissement, tous se portent vers le virtuel. Les livres numériques, musique dans le cloud, jeux vidéo, expériences virtuelles ou augmentées ne finiront-elles pas par créer un gigantesque tout, une seule expérience virtuelle, autant de mondes virtuels persistants ? Possiblement à terme des vies virtuelles inventées, possiblement imbriquées. Pour l’instant le média jeu vidéo s’est principalement contenté de nous donner les capacités de faire ce que nous n’avons pas le droit ou ne pouvons pas faire dans le monde réel. Ce média a créé des parcs d’attraction virtuels amplis d’artifices de gameplay et de contenus, accentuant implicitement le fait que la réalité n’a rien de drôle à jouer.
Le joueur actuel n’est pas encore un habitant Virtuel, on ne lui en donne pas les moyens puisqu’on lui donne à parcourir des mondes virtuels exclusivement ludiques, des passe-temps numériques presque tournés en dérision qu’il ne peut prendre au sérieux et dont, par conséquence, il se lasse vite.
Le Jeu vidéo ne s’est donc encore attelé à créer une autre ou des autres réalités suffisamment intéressantes pour y rester et s’y établir en tant qu’habitants, pas seulement pour y réaliser l’interdit ou l’impossible où se déconnecter provisoirement du réel, mais pour offrir une autre plateforme de construction de nos vies. Le jeu vidéo n’ose pas encore franchir le pas du tout Virtuel parce qu’il a été catalogué à juste titre comme un média de divertissement, le décrédibilisant au passage en tant que principal moteur potentiel de virtualisation des hommes.

De plus en plus de Jeux vidéo proposent de continuer à parcourir le monde après la fin de leur arc narratif, de laisser ainsi le joueur poursuivre une forme de vie virtuelle dans le monde créé à l’occasion de l’aventure. Consciemment ou pas, les studios de développement de ces jeux sans fin font passer leurs joueurs du statut d’acteurs à celui de visiteurs. Enfin, d’autres, tels que les MMORPG ou Second Life, vont encore plus loin puisqu’en complément d’un “jeu” sans fin, ils proposent l’acquisition d’un terrain ou d’une maison virtuelle. Ces derniers font alors passer leurs joueurs du statut de visiteurs à celui d’habitant. Habiter un monde c’est donner l’impression d’une appartenance, d’une liaison immuable entre l’habitant et son environnement. Il faudra donc à l’avenir trouver un autre nom aux joueurs qui désormais habitent ces mondes virtuels sans véritablement y jouer mais qui vont souvent s’y réfugier pour vivre une vie / expérience parallèle loin du réel. Le nom de joueur persiste depuis les premiers âges du média à l’époque où le jeu vidéo ne consistait qu’à une expérience courte et instance, par exemple un combat, une course automobile, mais ne devraient-on pas désormais parler de visiteurs / acteur virtuel / habitant virtuel 

World of Warcraft, univers fictionnel persistant depuis 15 ans qui évolue sans cesse techniquement et en termes de contenu, est devenu un jeu monde. Ce type de « jeu » type Second Life se caractérise par trois éléments : l’utilisation d’un avatar comme représentation de soi, la constitution d’un réseau social « proche » mais composé d’individus jamais rencontrés, la plupart du temps, dans la vie réelle, et l’évolution dans un monde créé graphiquement qui continue d’exister lorsque le joueur se déconnecte. Ces mondes Virtuels peuvent donc avoir une temporalité indépendante de l’humain qui s’y connecte, il rejoint en cela la définition première de notre réalité partagée, celle de persistance. Ces mondes virtuels dits persistants disposent de leur propre rythme auquel doit désormais se conformer l’ « utilisateur », le Virtuel ne se conforme plus nécessairement aux désidératas de l’individu, il poursuit son existence sans vous si vous n’y êtes pas connecté. Et si vous n’y revenez pas régulièrement alors votre vie virtuelle n’aura pas été mise en pause, elle se sera poursuivie sans vous ou sous le contrôle d’une IA. Tout comme les joueurs des jeux en ligne retrouvent leur avatar obsolète. Dans un monde où le Virtuel serait devenu la norme, il en sera de même, ceux qui s’y connecteront le moins seront dépassés par les autres, ils risqueraient d’y perdre leur statut social en ligne, voire même ne plus être aptes à arpenter ces mondes virtuels car ils auraient manqué plusieurs updates et ne disposeraient plus d’un avatar suffisamment puissant. Tout comme le réel semble persister après notre mort, ce qu’aucun d’entre nous ne pourra expérimenter individuellement.

Ces mondes virtuels persistants, comme les jeux MMORPG, ont fait naître de nouveaux standards et modèles économiques à l’image du « Game as a service ». Ces derniers permettent de rejoindre gratuitement ou via abonnement l’univers et le lore proposés pour in fine proposer de nombreuses options d’améliorations payantes tout au long de l’exploration et de la montée de niveau des avatars virtuels. Il y a ainsi fort à parier que les mondes virtuels qui accueilleraient des individus ayant fait le choix de se virtualiser en partie ou totalement pourraient proposer ce même type de modèle économique à l’avenir accentuant possiblement les différences entre catégories sociales, entre ceux pouvant accéder ou acquérir certains contenus, capacités, pouvoirs et les autres.

Les mondes virtuels, parce qu’ils continueront à être créés par des entreprises humaines seront-ils condamnés à ne rester que des produits de consommation de masse, possiblement payants et donc potentiellement discriminants, à l’inverse de ce que notre monde réel propose ? Un monde virtuel unique et libre à l’image de notre réalité est difficile à imaginer tant les corporations, entreprises et pays auront tendance à en limiter les accès par des moyens financiers, politiques voir pire raciaux et donc dans tous les cas discriminants.  Penser les mondes virtuels nécessairement sous forme de produits de consommation reviendrait au même que rendre payant l’air que nous respirons dans notre réalité…

Au delà de la simulation illusion

Au delà de la simulation illusion

Au delà de la simulation illusion

En seulement un demi-siècle de progrès numérique, nos techniques de virtualisation parviennent déjà à recréer fabuleusement des mondes imaginaires ou la surface des choses observées et calculées. Mais elles ne parviennent pas encore à recréer le fond des choses, les phénomènes physiques qui structurent notre monde, ni l’entièreté des détails de l’infiniment grand et petit, elles ne nous donnent encore qu’une illusion de réalité, un ressenti de fiction, ce qui, par ailleurs les dessert, beaucoup, les cataloguant comme des générateurs de parc d’attractions.

Mais peut-être un jour nos technologies évoluant sans cesse, ces mondes virtuels gagneront un statut particulier : celui de monde plausibles, aptes à être habités.
Aujourd’hui, recréer virtuellement le monde, c’est le couvrir, l’envelopper de data, d’informations objets, de polygones pour en recréer la géométrie, de textures pour en traduire la matière, de raytracing pour les éclairer.
Mais ce n’est qu’un enveloppement. Actuellement un caillou dans une simulation 3D n’est pas une reconstitution des atomes qui génèrent une forme, des couleurs, un poids et une consistance. Non, dans une simulation, un caillou n’est encore qu’une illusion de caillou, un assemblage de polygones qui en recréent l’illusion de la forme physique.
Mais peut être que notre réalité fonctionne de la même manière, peut-être n’est-elle qu’illusion de surface et que lorsque nous cassons un mur ou opérons un corps humain, la simulation génère là aussi des éléments de détails figurant l’intérieur de l’objet ou du corps. Bien peu probable, la réalité n’est pas simulée, n’est pas illusion ou fiction, elle est calcul. Un algorithme permanent, fruit de la première impulsion de l’Univers, elle pourrait être simulation informatique non pas au niveau surfacique mais au niveau atomique voir même élémentaire.
Si nous voulons nous servir de la simulation numérique pour comprendre notre monde puis l’explorer au-delà de nos limites physiques, il faut que cette simulation de réalité ne se contente pas de recréer la surface des choses et leurs propriétés physiques élémentaires, non, il faut qu’elle soit moléculaire puis un jour peut-être atomique et élémentaire si la puissance de calcul nous le permet.

Dans nos laboratoires, les chercheurs se servent déjà depuis longtemps de simulateurs non pas de formes mais de propriétés physiques pour comprendre leurs phénomènes. Les simulations de réalités ou mondes virtuels devront donc effectuer un mariage entre ce qui est développé en laboratoire et ce qui est développé pour le grand public, une forme de simulation ultime capable de recréer l’ensemble des détails, des propriétés physiques pour recréer un ensemble cohérent et vivant. Certaines simulations sont d’ailleurs à cheval entre le monde scientifique et le jeu, le premier donnant les règles de construction et l’autre incitant la communauté à réfléchir pour résoudre des problèmes que même de puissants algorithmes ne parviennent pas à calculer. Déjà, en 2007, le jeu Folding@Home [i] (Playstation 3) de l’université de Stanford en Californie, « proposait aux joueurs de résoudre ensemble, en réseau, des calculs complexes permettant de faire avancer la recherche sur des maladies comme Alzheimer, la chorée de Huntington et certains cancers. » (Vijay Pande, responsable du programme).

Cette alliance de domaines technologiques nous permettrait d’abord de recréer tout ce qui nous entoure puis progressivement tout ce qui est loin de nous, c’est-à-dire dans l’infiniment grand et l’infiniment petit. Cette simulation réaliste, alliant tous les domaines d’expertises nous permettrait de recréer utilement tout ce que nos sciences nous ont appris jusqu’à présent puis, étape après étape, elle nous permettrait de tester ensemble nos théories restant à l’état d’hypothèses. Au fur et mesure, cette simulation ultime gagnerait en détails et en cohérence jusqu’à nous permettre potentiellement de lui donner sens et vie, de l’explorer librement dans son infiniment grand et petit. Cette ultime simulation d’univers, nous permettrait peut-être de réunifier les lois de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, de nous rapprocher de l’algorithme Universel, d’avoir potentiellement le pouvoir de créer d’autres univers parallèles.

Cette simulation de réalité serait-elle éloignée de ce que nous considérons comme la vraie réalité ? Devrons-nous scrupuleusement y positionner les planète telles que nous les observons par nos télescopes, devons-nous à tout prix recopier notre univers avec une précision atomique pour nous permettre d’en comprendre le fonctionnement et pouvoir y vivre de façon cohérente ? L’une des futures super simulations sera peut-être pensée de cette manière pour que l’ensemble des sciences, de la cosmologie à la psychologie, des mathématiques à la biologie, etc. puissent y trouver un terrain commun de travail, une sorte de méga simulation, un ultime laboratoire d’analyse pouvant toutes les servir indistinctement afin de comprendre tous les phénomènes qui les lient entre elles. Tel serait le chemin pour s’approcher de l’algorithme univers, se servir du virtuel pour unifier les sciences, les expertises, les pensées.

Parallèlement à cette simulation réaliste, d’autres types de simulations dédiées au divertissement, etc. continueront d’exister mais il n’est pas dit que cette simulation ultime qui avait pour but premier de servir la communauté scientifique ne serve pas ultérieurement de base à la simulation de l’humanité toute entière. Elle présenterait en effet aux yeux de l’humanité un monde très attirant dans lequel il serait possible de se transformer, de voyager instantanément mais dans un monde totalement réaliste et crédible dans ses moindres détails et interactions. La distinction entre notre réalité et cette simulation serait impossible, nous n’aurions donc aucun mal à faire le choix de nous y implanter. Nous pourrions même ne pas pouvoir les distinguer l’une de l’autre.

Cette ou ces simulations de mondes virtuels ayant la capacité de réunifier toutes les simulations en une seule décupleraient nos pouvoirs par rapport à la réalité actuelle. Ils deviendraient de nouveaux mondes dans lequel, pour comprendre et maîtriser un phénomène, il ne serait plus nécessaire de l’explorer physiquement mais seulement de le récréer numériquement.

Ainsi, disposer d’une simulation maîtresse unifiant toutes les autres sera indispensable pour créer une cohérence de vie dans cette réalité augmentée / décuplée. Mais la notion de temps quant à elle pourrait être bien différente à simuler. Le temps est relatif, perçu différemment par chacun et en fonction des événements. Virtualiser le temps voudrait dire pouvoir le comprimer, l’étendre ou le tordre à loisir. Un peu à la manière de ce que les films, vidéos ou jeux vidéos nous permettent de faire en nous autorisant à avancer le temps, le mettre en pause ou l’accélérer.

Mais, en immersion, la dimension temps sera peut-être celle que notre cerveau aura le plus de mal à franchir. Il est facile de tromper nos cinq sens mais le ressenti du temps est plus complexe, il est inscrit et ancré dans l’ensemble de nos cellules qui vieillissent avec lui. C’est tout notre être qui sent le temps passer. Certes un monde virtuel peut accélérer ou ralentir le temps à sa guise en faisant vivre à votre cerveau les 4 milliards d’années de la création du monde en une dizaines de minutes mais notre cerveau biologique restera désespérément ancré dans son réel, vous aurez passé dix minutes dans cette expérience, le temps se sera écoulé, la sensation de compression du temps ne sera que minime même si bien évidemment ressentie.

« Lorsque je suis dedans, confie-t-elle, je ne vois pas le temps passer. »13

Le temps s’écoule plus vite quand on fait marcher notre imaginaire, on se déconnecte un peu du réel. Mais on est vite rattrapé par le temps, les minutes qui ont été décomptées, l’heure du repas est par exemple plus proche qu’avant. Le temps est ce qui nous rattrape toujours immanquablement à la réalité.

[i]https://www.lefigaro.fr/sciences/2007/05/31/01008-20070531ARTFIG90019-la_playstation_au_service_de_la_medecine.php

Franchir l’uncanny valley

Franchir l’uncanny valley

Franchir l’uncanny valley

L' »effet 3D » s’estompe maintenant presque systématiquement, les rendus graphiques de paysages, de villes, d’architecture, d’objets, de véhicules et même d’animaux sont confondants de réalisme et de précision, les ombres, lumières et matières sont si bien représentées et si justement calculées qu’il devient quasi impossible de les différencier d’une vraie photographie, d’un vrai film. Seule la représentation virtuelle des humains se heurte encore au phénomène de l’uncanny valley, leur rendu continuant encore, mais pas pour longtemps, à nous déranger, nous sortir de l’immersion.

La « vallée dérangeante », ou « vallée de l’étrange » (de l’anglais « uncanny valley ») est une théorie scientifique du roboticien japonais Masahiro Mori, publiée pour la première fois en 1970, selon laquelle plus un robot androïde est similaire à un être humain, plus ses imperfections nous paraissent monstrueuses[i].

 Le croisement des technologies de reconnaissance faciale, de motion capture et des intelligences artificielles génèrent des premières expériences troublantes telles que celle de ce Barack Obama Virtuel auquel il devient possible de lui faire dire n’importe quoi[ii].

Dans un virtuel peut-être pas si lointain, un autre pourrait se faire passer pour vous, avec des conséquences infinies.
Quel temps va-t-on passer dans cette vallée ? Ce qui est certain c’est que nous sommes davantage près de la fin que du début de cette vallée. En moins de 20 ans, c’est à dire rien, le jeu vidéo est passé d’une bouillie de pixels à des mondes ultra réalistes en haute définition, compatibles avec la réalité virtuelle. A l’échelle de l’évolution humaine, un battement de cils.
L’uncanny valley est le phénomène qui marque les limites de notre cerveau à assimiler le virtuel, à remplacer le réel par le virtuel, franchir le pas.
« On peut ainsi interpréter la « vallée de l’étrange » comme le fossé entre l’humain et l’imaginaire. En effet, la proximité à l’imaginaire altère le côté humain de l’apparence. Chez le robot humanoïde, ceci est causé par un manque de précision technique, mais au fur et à mesure de recherches, on pourrait aboutir à un résultat qui « rentre » dans la sphère de l’assimilation ».
Il en va de même pour les mondes Virtuels où, à la moindre incohérence, notre cerveau détecte un artifice fictionnel qui rompt alors immédiatement notre immersion et nous ramener à la réalité. Une géométrie d’objet simplifiée, un bug de collision, une texture mal plaquée sur un objet, un effet d’explosion raté, un simple pixel mort, etc. sont autant de petites anomalies virtuelles que notre œil humain hyper entraîné à voir le monde réel détecte instantanément. Mais les décors virtuels, qui deviennent malgré tout de plus en plus réalistes, ne sont pas les principaux éléments qui nous déconnectent du virtuel. Ce sont les personnages virtuels. Notre cerveau humain étant habitué depuis des millions d’années à détecter la moindre expression faciale chez un congénère, il est ainsi bien plus affûté à regarder ses semblables qu’à juger de la véracité d’un coucher de soleil ou d’un reflet dans l’eau. Mêmes nos sentiments, telle que l’empathie par exemple, se construisent en grande partie par l’étude des micros comportements faciaux et gestuels de nos semblables. Nos réactions et sentiments envers autrui ne peuvent donc réellement se construire que si l’avatar virtuel est confondant de réalisme.

Rare sont ainsi les mondes virtuels et jeux vidéo capables de tromper actuellement l’œil humain avec des personnages non joueurs – PNJ. Ces derniers demeurent encore imparfaits, les expressions restent encore à nos yeux artificiels, le grain de peau nous paraît bizarre, leurs yeux nous semblent vides, leur gestuelle peu naturelle, et bien d’autres choses encore.

Les technologies les plus onéreuses sont ainsi mises à contribution pour tenter de passer ce cap si difficile de la recréation virtuelle des humains. Motion Capture, labial facing, etc. tentent toutes de recréer le naturel humain dans le cerveau de silicium de nos ordinateurs. Quantic Dream, une société française dirigée par David Cage est l’une des pionnières dans le domaine car les jeux qu’elle produit ont tous un point commun, raconter des histoires avec de nombreux protagonistes virtuels où la notion de choix et de conséquences est prépondérante. Leur dernière création Detroit Become Human se joue d’ailleurs de cela en mélangeant des protagonistes humains et cyborgs, tous deux joués par des acteurs humains réel scannés en temps réel par la motion capture.

Malgré la disponibilité des contenus, la complexité et la taille des simulations virtuelles ne cesse jamais de s’amplifier et des Jeux Vidéo qui autrefois demandaient quelques mois de travail, réclament désormais plusieurs années, bientôt une décennie à l’image des jeux du studio Rockstar. La coordination des équipes contenant désormais des centaines de développeurs engendre de nombreux enjeux pour préserver la cohérence des contenus. De même, malgré les progrès de l’informatique, les puissances restreintes de calculs continuent d’obliger les concepteurs de mondes virtuels à faire des concessions, distance d’affichage optimisées, ombres simplifiées, faux reflets dans l’eau, etc. Même dans des mondes ultra détaillés tels que celui de Red Dead Redemption 2 ou CyberPunk 2077 sur lequels des centaines de personnes et de millions de dollars ont été dépensés pendant des années, des micros erreurs subsistent, suffisantes pour continuer de cataloguer le jeu dans la catégorie fictionnelle.

Red Dead Redemption 2 et ses biomes rapprochés ou CyberPunk 2077 et ses bugs brisent ainsi la sensation d’immersion, donnant l’impression d’évoluer encore dans une sorte de parc à thèmes. A cause des puissances de calcul encore trop faibles qui obligent à limiter la taille des espaces et des profondeurs de champs.
Nos tentatives de recréer le monde réel sont encore imparfaites. Mais chaque année ces imperfections s’amenuisent, chaque année la lumière pré calculée gagne en crédibilité, les reflets dans l’eau se précisent, les personnages IA bougent toujours plus naturellement, etc.
Aujourd’hui le jeu vidéo est encore dans l’Uncanny Valley car ses graphismes se rapprochant sans cesse du photoréalisme, la moindre imperfection nous saute alors davantage aux yeux que lorsque les jeux n’étaient que bouillies de pixels et de polygones. Un brin d’herbe sans son ombre projetée au sol et c’est tout un univers Virtuel qui s’effondre. Pour éviter ces écueils et tant que les technologies peinent encore à supporter autant de détails, certaines œuvres vidéo ludiques font le choix de graphismes bariolés ou très différents de notre réalité.

Mais les puissances de calculs et des algorithmes de création de mondes ne cessent de progresser. Les bibliothèques d’assets – objets 3D – fourmillent désormais d’objets ultra réalistes grâce à l’avancée des technologies d’acquisition photogrammétrique, des outils de gestion de textures et d’optimisation géométrique, au point de pouvoir désormais aisément tromper notre capacité à différencier le réel du virtuel (cf démo Unreal CDC 2019). Des simulateurs tels que Flight Simulator 2020 parviennent désormais à recréer l’entièreté de notre globe terrestre en 3D avec une précision de quelques dizaines de centimètres ainsi que la plupart les phénomènes physiques avec une bonne précision, tels que la pression atmosphérique, les flux de masses d’airs, la formation des nuages, les turbulences, la portance, la physique des fluides, etc. Les distance de vues paraissent infinies, les avions semblent réellement portés par les masses d’airs, le réalisme est confondant.
Le bout de cette vallée de l’étrange – uncanny valley – semble chaque année plus proche, les technologies et méthodes de création de mondes virtuelles sont proches de pouvoir générer à vitesse grand V une infinité de mondes virtuels photoréalistes. Ce qui prenait huit ou dix ans à créer pourrait très bien, dans un avenir proche, ne prendre que quelques mois, puis semaines puis jour.
Nous assistons à une explosion du nombre de mondes virtuels, chaque mois voit son lot de nouvelles expériences, nouveaux univers à parcourir. Bientôt c’est une véritable cacophonie de mondes virtuels voir une cacophonie.

Des programmes pour chaque chose, pour simuler le vent, la pluie, la lumière, le rebond des photons, etc. au point de créer des univers Virtuels imbriquant une quasi-infinité de programmes pouvant générer des bugs, voire même pouvant se pirater les uns les autres, créer des anomalies. Si nous vivions ainsi nous-mêmes dans une simulation, nous pourrions considérer nos maladies, nos mirages, nos visions comme les bugs d’une matrice de simulation universelle. Si nous voulons créer une ou des simulations emportant la majorité de l’humanité, alors les programmes de virtualisation devront être quasiment parfaits sous peine de briser l’immersion, sous peine de nous ramener dans notre première réalité. Les programmes de virtualisation massive devront donc s’être affranchi au maximum de l’uncanny valley.

Le virtuel n’est plus un jeu. Quelques jeux vidéos récents tracent la voie de nouvelles expériences vidéo ludiques qui s’éloignent progressivement de l’aspect gamification pour proposer de nouvelles expériences virtuelles, non exclusivement guidées par le plaisir de jeu. La dernières production des studios Kojima Production, Death Stranding propose par exemple une expérience virtuelle formellement assez réaliste obligeant les « joueurs » à livrer des colis dans un monde post apocalyptique en arpentant des paysage réalistes où aucune voie ni information ne permet de se repérer. Il en résulte une simulation réaliste de randonnée pédestre où le game design n’a plus sa place, où chaque mètre à parcourir nécessite d’être réfléchi et anticipé comme dans la vie réelle. Le plaisir de jeu ne guide pas l’expérience, il vient par ailleurs.

[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/Vall%C3%A9e_d%C3%A9rangeante

[ii] Video de Barack Obama générée par une IA

L’industrie de la virtualisation

L’industrie de la virtualisation

L’industrie de la virtualisation

Il nous paraît aujourd’hui inconcevable de vivre totalement virtuellement et pourtant de nombreuses sociétés et technologies s’emploient chaque jour à rendre les interfaces et technologies de virtualisation de plus en plus accessibles au plus grand monde, à tenter d’occuper chaque jour davantage de notre temps disponible réel, elles prennent la forme de jeux vidéo, de films, d’expériences de réalité virtuelle, augmentée ou mixte. Des technologies et des puissances de calculs considérées il y a peu comme impossibles voire irréalistes font désormais partie du quotidien.

Côté interfaces de visualisation, les casques de réalité virtuelle filaires deviennent sans fils donc laissent davantage de place aux mouvements pour renforcer l’immersion. Le champ de vision restreint est désormais amélioré pour occuper quasiment l’intégralité du FOV humain en largeur et en hauteur. Le « screen door effect » ou effet de grille disparaît progressivement grâce à des écrans sans cesse plus précis. Le trading de l’oeil permet aussi d’optimiser les zones de calcul du champ de vision pour ne calculer pleinement que la partie axée sur l’orientation du regard.

En moins de six ans, les casques de réalité virtuelle sont ainsi passé du stade de prototypes à celui de casque grand public. Néanmoins, le Google cardboard, en voulant démocratiser la réalité virtuelle trop rapidement avec son masque en carton lui a fait perdre du temps de déploiement et lui a donné une mauvaise image, celle d’une expérience de basse qualité, uniquement destinée à de courtes cessions de divertissement.

 Tout autour du globe, de nombreuses startups et géants technologiques travaillant depuis de nombreuses années nous proposent de virtualiser le réel, c’est à dire d’autres formes d’expériences réalistes grâce aux technologies d’immersion et de virtualisation, et même si le développement des technologies d’immersion semble long à notre échelle quotidienne, il ne faut pas s’y tromper, elles gagnent en maturité et deviennent progressivement de plus en plus immersives, de plus en plus trompeuses et parviendront à nous couper totalement de la réalité.

La construction des technologies et mondes virtuels sont devenus un business model à fort potentiel. Ainsi, désormais les réalité virtuelles et augmentées trompent notre vue, le son surround trompe notre ouïe, des gants haptiques trompent notre sens du toucher de récentes technologies olfactives ou gustatives trompent notre odorat et notre goût.  A tel point qu’aujourd’hui certaines expériences virtuelles immersives nous déclenchent désormais une perte totale de repère en même temps qu’une expérience inoubliable car sentie comme véritablement “vécue”, les quelques problématiques de nausées, de lag ou encore de problèmes de définitions n’étant que de minimes erreurs facilement rectifiable en quelques années de développement au sein d’un parcours déjà tracé : celui de l’expansion du virtuel, au détriment ou pour le bienfait du réel… Ce n’est donc désormais qu’une question de temps avant qu’un premier humain passe l’intégralité de sa vie dans un / des monde (s) virtuels / parallèles.

Il semble désormais acquis que réalité, virtualité et imaginaire se marient, c’est en tous cas ce que vendent les concepteurs de casques de réalité virtuelle. Grâce à la VR « Repoussez les limites de votre imagination »[i] comme vous invite Samsung dans ses publicités pour casques virtuels.
Évidemment les premières législations n’autoriseront pas d’immersion totale et déconnectée du réel, déjà du fait du coût pour la société, maintenir un être humain dans un coma artificiel coûte très cher. Intubation, batteries de capteurs. Même si l’être humain rapportait plus d’argent dans le virtuel que dans le réel, le coût de maintien serait trop élevé. Non les premiers habitants du virtuel garderont un pied dans le réel.

Achètera-t-on une combinaison comme dans RPO ou bien se rendra-t-on en Pharmacie acheter des cachets de virtualisation ? (Cf publicité pour la PlayStation 9).
Les technologies d’immersion ne sont peut-être encore qu’artificielles mais progressent à une telle vitesse qu’on en perçoit même des changements profonds désormais à l’échelle de notre propre vie. Imaginez alors dans deux, trois ou quatre générations…
Il y a seulement douze ans le smartphone n’existait pas, il y a cinq ans la société Oculus et son fondateur Palmer Luckey rendaient les casques de réalité virtuelle enfin immersifs et accessibles au grand public. Son logo en forme de planisphère qui s’élargit, sous-entend d’ailleurs qu’il étend notre imaginaire et notre champs des possibles.

Il y a deux ans nous n’imaginions pas pouvoir disposer d’un ordinateur virtualisé dans le cloud accessible depuis n’importe quelle interface comme le propose désormais par exemple la société française Shadow. Il y a un an le cloud gaming n’était pas encore pleinement opérationnel ni déployé à large échelle comme le font les offres de Stadia de Google, PS Now de Sony, Nvidia Shield, etc. Chaque vague technologique connaît un déploiement toujours plus rapide, bénéficiant du croisement de technologies précédemment développées et éprouvées.

L’imaginaire était notre premier outil d’immersion et le restera encore longtemps mais c’est aussi celui qui est le plus challengé, certaines technologies et facteurs liés au développement exponentiel du monde réel cherchent à l’augmenter, d’autres à le guider voire même s’y substituer. La Réalité virtuelle est actuellement ce qui nous rapproche le plus d’une sensation d’immersion totale dans le Virtuel. Le FOV, champs de vision est certes encore restreint mais là encore de premières sociétés telles que StarVR ont déjà dépassé cette problématique avec des casques munis de plusieurs écrans, certes encore très lourds et hors de prix. Quelque soient les interfaces, ce qui garantira leur développement seront les usages, les contenus et le sens qu’on donne à ces derniers.
Le premier moteur économique est incontestablement le jeux vidéo, capable de toucher toutes les catégories socio-économiques à travers le monde. Mais d’autres initiatives vont au-delà du seul intérêt ludique en ouvrant l’horizon Virtuel à d’autres usages.

Les technologies humaines ont eu de nombreux objectifs dont les principaux ont été de percer les secrets de la science pour mieux maîtriser notre environnement, de nous amener toujours plus loin et plus vite pour augmenter notre emprise physique sur le monde et l’espace, d’augmenter nos capacités physiques puis désormais cognitives, de nous interconnecter les uns aux autres y compris d’un bout à l’autre de la terre, et enfin de nous immerger toujours plus profondément dans le Virtuel. Exemple de technologie nous donnant le don d’ubiquité : Blend physical and digital World (MIT, technologie de déplacements d’objets à distance).

Une fois le photoréalisme des univers et des personnages virtuels parfaitement atteint et maîtrisé, la puissance de calcul ne devrait plus alors exclusivement servir à augmenter les niveaux de détails et de réalismes mais serviraient alors à agrandir les mondes et augmenter la capacité d’accueil de ces derniers. Arrivés à ce stade les mondes virtuels pourraient dépasser en surface la taille de notre globe terrestre et surtout pourraient se démultiplier à l’infini, offrant des multiplicités d’instances de vies virtuelles.

La virtualisation, c’est aujourd’hui  l’addition de talents de créateurs humains, qui s’avère donc parfois plus forte, plus impactante que notre imaginaire seul. La virtualisation pensée par une communauté de personnes est la synthèse, la combinaison d’imaginaires très puissants, ceux des créateurs. De plus en plus régulièrement, les studios de développement de films, de jeux, mais aussi les écrivains, les musiciens tâchent de créer des communautés interplanétaires qui adhèrent à l’univers créé pour en décupler l’imaginaire, les versions, les créations et ce sur tous supports. La communauté Star Wars par exemple regroupe ainsi des écrivains, des peintres, des cinéastes, des creative designer de jeux vidéo, des modeleurs 3d, des maquettistes, des Cosplayers, des modelers Lego, etc. Tous indépendants ou non, rassemblés sous des bannières par pays, par technologie, par support voir même par vision de l’œuvre. Tous donnent vie à l’univers star Wars dans le réel mais aussi dans le virtuel, permettant à Star Wars de disposer d’autant de véhicules de son univers qu’il n’existe de technologies et de communautés créatives autour du globe, donc de capacités à parler au plus grand monde, quel que soit votre appétence pour telle ou telle technologie, tel ou tel forme d’art, il existe une version de Star Wars. Nous sommes donc habitués à retrouver notre livre préféré porté au cinéma, nos personnages d’univers cinématographiques traduits en figurine dans nos super marchés, etc., nous sommes donc habitués à ce que le Réel contamine le Virtuel et inversement.

A l’image des courants de peintres, sculpteurs ou musiciens, les communautés de concepteurs et développeurs virtuels, nommés Computer Graphics Designers ou CG, se sont rassemblés, au fil des années, en communautés créatives, partageant ouvertement sur le web leurs techniques et découvertes, accélérant sans cesse leur progression technique, au point désormais de faire du photo-réalisme le standard de l’industrie. Les rendus ne demeurent plus statiques mais se conjuguent maintenant avec le temps-réel et la réalité virtuelle. Etant donné la vitesse de progression des capacités techniques de virtualisation de la réalité, il nous sera très bientôt très difficile voire impossible de dissocier réel et virtuel.
Mais chaque communauté, chaque créateur virtuel continue de cultiver sa différence dans le rendu de ses productions pour amplifier la perception du spectateur, pour enjoliver ses créations, l’un travaille sur des colorimétries particulières, un autre sur des profondeurs de champs exagérées, un autre traite ses images avec une puissance de soleil amplifiée, etc. à chaque fois très légèrement distinctes des vraies calculs de la réalité.
D’autres, enfin, ne considèrent pas le photoréalisme comme un but à atteindre, ils cherchent davantage à se distinguer par des mondes aux formes, couleurs et lumières fantasmagoriques, fantastiques, etc. qui servent davantage leur propos, le sens qu’ils souhaitent donner à leur création. Cette multiplicité des perceptions de notre réalité et de ses techniques et choix de reconstitution digitale engendre progressivement des réalités virtualisées divergentes qui pourraient un jour devenir incompatibles. Incompatibles non seulement entre elles mais aussi avec certains spectateurs virtuels. Ainsi, un humain virtualisé habitué à vivre dans un monde d’un certain type de rendu de la lumière et de saturation colorimétrique du monde virtuel dans lequel il réside pourrait ne pas supporter le voyage vers d’autres mondes virtuels présentant des caractéristiques physiques ou sonores différentes du sien.

Les mondes virtuels ne conviendraient pas à chacun, tout comme des contrées ou villes ne conviennent pas à certaines personnes, il en résulterait une multiplicité de mondes recréant la réalité par des « architectes du virtuel » aux sensibilités différentes. Si nous venions à concevoir des simulations dans nos simulations, les quelques biais de représentation de la réalité initiale pourraient eux-mêmes engendrer des successions de légères différences entre les simulations, engendrant ainsi une cascade de réalités imbriquées sans cesse plus éloignées de la réalité initiale.

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Le réel donne vie au virtuel

Le réel donne vie au virtuel

Le réel donne vie au virtuel

A l’image des artistes de la Renaissance qui étudiaient en profondeur le vivant et la nature pour la retranscrire le plus fidèlement possible en peinture. Recréer virtuellement le monde réel, c’est également d’abord l’étudier, tenter de mieux le comprendre, décrypter l’ensemble de ses phénomènes biologiques, physiques, etc. et développer toutes les technologies possibles pour le rebâtir virtuellement. Les octets et algorithmes et polygones ont remplacé les fusains, pinceaux et toiles du XVeme siècle. Cette quête du réalisme incite positivement à mieux comprendre notre monde et pousse les scientifiques, artistes et technologies dans leurs derniers retranchements.

Il nous est pour le moment inimaginable de pouvoir simuler un ou plusieurs univers entiers comportant des milliards de détails et d’interactions, de l’atome à une planète entière voire même une galaxie. Les puissances de calculs seraient astronomiques, de quoi vider une planète telle que la nôtre de toute son énergie, et les temps de programmation, de modélisation et de maintenance avec nos techniques actuelles seraient quasiment infinis. Mais, pour créer un voir des univers digitaux crédibles et habitables, il n’est pas nécessaire de recréer minutieusement chaque chose, chaque détail, chaque cellule de matière dans tout l’univers. Recréer le monde immédiatement visible et palpable pour chaque individu virtualisé suffit amplement à lui faire croire que le monde qui l’entoure et lui-même sont réels. Le minimum requis pour simuler la réalité est de tromper la conscience de chaque habitant virtuel pour qu’il pense que la simulation est réelle.

« Notre cerveau ne croit que ce qu’il voit, donc quand le champs de vision est totalement occupé par une simulation et que de surcroît on y ajoute une immersion sonore ou tactile, alors l’individu adhère totalement à la réalité qui lui est proposé, il se déconnecte de la réalité précédente »[i].

Le secteur du Jeux vidéo, par exemple, emploi déjà des techniques où seule la focale visible est recréée et où l’affichage des objets lointains est optimisé afin d’en réduire les besoins de puissance de calculs. Cela n’empêche pas chaque génération de contenus virtuels de tromper toujours plus nos sens, au point de plus en plus souvent de ne plus pouvoir distinguer clairement la simulation de la réalité. Chaque année les univers virtuels gagnent ainsi en taille, en niveau de détails, en immersion.

Depuis les débuts de la 3D et des interfaces de virtualisation il y a moins d’un demi-siècle, les concepteurs virtuels se sont attachés à recréer les phénomènes réels pour y immerger plus efficacement leurs spectateurs. Leur première volonté a généralement consisté à augmenter les chances d’immersion du spectateur par le développement de technologies lui rappelant le monde réel, de manière à ce qu’il y trouve ses marques, des repères « réels ». La plupart des technologies et des savoir-faire des développeurs étaient majoritairement consacrés à l’étude des phénomènes physiques ou comportementaux réels pour les recréer le plus fidèlement possible dans les expériences virtuelles. Recréer la flamme d’une bougie, les reflets dans l’eau d’un lac, le rayonnement du soleil au travers des branches d’un arbre, la chute d’un objet par une gravité artificielle, les mouvements d’un personnage ou d’un animal, le chant des oiseaux ou le bruit d’une cascade, … Chaque étape de recréation de ces composants du monde réel était une victoire sur la machine, représentait des centaines d’heures de travail, surprenait sans cesse davantage un public toujours plus grand. Désormais ces bouts de programme de phénomènes réels ne sont plus que de simples modules graphiques ou asset fonctionnels disponibles gratuitement sur les plateformes de contenu des logiciels 3D. Presque plus aucun concepteur de 3D ne passe de temps à les programmer, ils sont implémentés automatiquement permettant aux développeurs de se concentrer sur l’amplification de la richesse des détails, des fonctionnalités et des histoires à raconter. Bien sûr certains continuent de sillonner des régions entières pour photographier et cartographier le moindre élément caractérise de manière afin de les reproduire dans leur expérience virtuelle avec toujours plus de détails et de fidélité à la réalité.

La majorité des créateurs de contenus et expériences 3D sont devenus des assembleurs de bibliothèques de composants, matériaux et scripts modélisés ou programmés par d’autres. Des indépendants, des passionnés ou des communautés de plus en plus importantes et désormais organisés. On ne compte plus les sites dédiés à des téléchargements de contenus, pour le mobilier, les objets du quotidien ou fantastiques, les textures toujours plus réalistes. En un clic il est possible de trouver l’élément de son choix et de l’implémenter dans l’univers virtuel que l’on crée. C’est tout le pipeline de création de contenu qui s’est simplifié au point désormais de se vulgariser. Les bibliothèques de contenus virtuels sont immenses mais il n’est pas rare de retrouver les mêmes assets, comme les appellent les experts, entre plusieurs créations. Une même texture de rocher employée ici et là, un mobilier instancié dans plusieurs univers, des personnages qui finissent par se ressembler ou qui ont les mêmes visages.

N’importe qui peut devenir créateur de contenu ludiques, interactifs ou immersifs tellement cette industrie s’est rendue accessible. La plupart des logiciels désormais portés sur du web proposent des abonnements gratuits  ou très peu chers, tous sous le modèle de l’abonnement pour là encore faire baisser la facture. Des logiciels gratuits, tels que Blender, ou devenus gratuits, tel l’Unreal Engine, développés et portés par des communautés de créateurs et d’ingénieurs se retrouvent même désormais dans les studios professionnels de création tellement leur contenu et fonctionnalités se sont étoffés au fil des années. Ubisoft, le plus grand studio de création de jeux vidéo au monde utilise ainsi Blender dans son pipeline de création. Les softs de création 3D ont tout intérêt à se rendre accessibles pour créer rapidement d’importantes communautés de créateurs et les rendre dépendants de leur technologie. Ces créateurs, arrivés dans les studios de création apportent naturellement leurs méthodes et outils de création de contenu avec eux, favorisant le déploiement des logiciels au sein des entreprises.

Dans le futur, les habitants de mondes virtuels seront libres de composer et modifier leurs mondes à leur guise aussi facilement que de commander un plat sur le web. Une simple commande vocale pourra agrandir les dimensions de votre salon, changer la couleur des murs, l’heure de la journée, enclencher la création d’une cascade dans votre salon, ou même y inviter des personnalités. L’humain digitalisé vivra dans un monde virtualisé où tout sera facile, sans réelle conséquence. Mais ces contenus seront certainement payants comme ils le sont actuellement dans les jeux vidéo.

Le Virtuel s’adressant d’abord à l’humain, il se doit de disposer des mêmes logiques et repères que le réel pour parvenir à nous capter puis nous captiver. Certains développeurs du jeu Scum sont ainsi allés jusqu’à se priver de nourriture pour en comprendre les effets afin de mieux les retranscrire dans leur jeu vidéo[ii]. Le Virtuel est ainsi, pour le moment, intrinsèquement lié au monde réel, il s’y enracine avant peut-être un jour de s’en défaire lorsque les humains ne seront plus exclusivement les seuls à devoir être immergés dans le virtuel. Que le Virtuel rejoigne l’imaginaire ne semble plus impossible. Le Virtuel est imaginé comme pouvant avoir le même niveau de détails et d’immersion que le monde réel. A l’exemple du film Serenity, dans lequel on ne sait pas si l’histoire vécue est un monde virtuel ou bien l’imaginaire.

Déjà, par leur appellation ces technologies de « réalité » virtuelle, augmentée, mixte, etc. ont commencé à empiéter sur le réel, essayant de se l’approprier, de le façonner, voire d’en construire de nouvelles versions. Les médias tentent de capter notre temps disponible et les interfaces virtuelles, quant à elles chercheront pour la plupart à nous couper de notre monde réel.

[i] Vanessa Lalo, Psychologue spécialiste des médias numériques

[ii] Article traitant du jeu Scum sur Gameblog